Editorial

12 janvier 2010-12 janvier 2021 : Haiti n’a rien appris de sa douleur !

Aujourd’hui ramène la 11e commémoration du séisme dévastateur du 12 janvier 2010, qui a laissé sur son passage des milliers de morts. Cette catastrophe naturelle a été la plus meurtrière qu’à connue le pays durant le 21e siècle. 11 ans après ce drame, les blessures laissées ne se cicatrisent pas, les parents pleurent encore leurs enfants, certains leurs amis, d’autres repassent en boucle l’après-midi du cataclysme et se désolent de voir que le pays n’a tiré aucune leçon de cette date et est encore plus exposé aux risques sismiques.

Ce n’est pas tant le séisme qui a endeuillé les familles haïtiennes, mais plutôt les constructions anarchiques, ce n’est pas tant le séisme qui a détruit les biens et les vies, mais plutôt l’irresponsabilité de l’Etat haïtien qui pratique depuis des lustres la politique du « laisser grennen », ce n’est pas tant le séisme qui nous a fait pleurer, mais plutôt notre insouciance à tous, notre incapacité à veiller les uns sur les autres, notre velléité à s’en foutre du sort des plus vulnérables. Qu’ils pourrissent dans la misère et dans la crasse, qu’ils vivent dans des habitats précaires, qu’ils soient exposés aux catastrophes naturelles, dès qu’on est pas concerné, on s’en fout. Cette attitude nous habite et rend ce pays beaucoup plus vulnérable que jamais.

Ceux qui sont morts sous les décombres le sont en vain, au regard de la réalité actuelle, où rien absolument rien n’a changé dans notre approche en matière de construction. Aucune mesure drastique n’a été prise de la part de l’Etat pour freiner les constructions anarchiques, ne respectant aucune norme parasismique. Ce sont les mêmes pratiques, les mêmes habitats, les mêmes infrastructures. Un autre séisme de plus basse magnitude que celui de janvier 2010, peut faire beaucoup plus de dégâts en Haïti, parce qu’on n’a pas changé d’un iota, on est au contraire beaucoup plus exposé, nous sommes beaucoup plus vulnérables.

Ne soyons pas dupes. Cette 11e commémoration sera l’occasion des redites. Rien d’autre. Les discours qui seront prononcés, les éditions de nouvelles, la programmation des médias en la circonstance, presque tout ce qui se fera aujourd’hui sera fait dans le seul objectif de rappeler le drame, mais rien ne se fera dans l’esprit de rupture avec les mauvaises pratiques, avec nos vieux démons qui ont ôté la vie à nos frères et sœurs.

Au lendemain du 12 janvier 2010, on se disait tous que ce pays était maudit, que Dieu nous avait punis. On était fataliste. On avait peur du lendemain. On ne savait à quel saint se vouer. Mais, les Haïtiens, non pas l’Etat, se sont mis debout pour aller de l’avant. Il a fallu du courage et de la détermination aux parents des victimes à ceux qui ont perdu des proches de surmonter ce drame et cela a été le cas, même si certains portent encore en eux les cicatrices de ce cataclysme.

Ce 12 janvier 2021, où Haïti nage en eaux troubles, où l’incertitude d’un lendemain meilleur nous hante, il nous faut redoubler d’efforts pour changer ce pays. Il faut aujourd’hui faire la rupture nécessaire pour sortir le pays de cette instabilité chronique qui fragilise l’État, qui détruit les rêves de milliers d’Haïtiens. La politique ne peut plus continuer à nous priver de notre bonheur, soit on s’engage tous pour changer ce qui mérite d’être changé, où l’on accepte notre suicide collectif. L’avenir nous appartient, le pays nous appartient, soyons de ceux qui s’attèlent à le construire, non de ceux qui le regardent périr sans rien faire.

Ricot Saintil / Haiti Infos Pro

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