Accusations, démentis, contre-attaques…, la RTVC secouée par un scandale de pots-de-vin

Depuis plusieurs jours, la Radio-Télévision Caraïbes est au cœur d’un scandale de pots-de-vin. Après avoir été accusé par le Directeur General du SNGRS, Eudes Lajoie, l’un des animateurs de l’émission Matin Caraïbes, Emmanuel Jean François a, à son tour, accusé plusieurs de ses collaborateurs d’avoir reçu de l’argent de la part de l’ex-DG du SMCRS, Magalie Habitant. Cité dans cette affaire, Edmond Jean Baptiste décide de démissionner et apporte des explications. Emmanuel Jean François et Guyler C. Delva eux-mêmes, contre-attaquent.

« Pour protéger l’image de la radio, je présente publiquement ma démission. Je demande à Patrick Moussignac d’accepter cette démission et je lui demande d’ouvrir une enquete pour clarifier ces accusations ». Ces phrases répétées par Edmond Jean Baptiste dans un message audio, fait le tour des réseaux sociaux, quelques jours après une histoire de pot-de-vin mise au grand jour par Emmanuel Jean François. Le jeune co-animateur de l’émission Matin Caraïbes indique avoir appris avec désolation et tristesse ces accusations portées contre lui.

Ce lundi, Edmond Jean Baptiste sort de son silence, pour apporter un démenti formel aux informations laissant croire qu’il aurait été monnayé par l’ancienne Directrice Générale du Service Métropolitain de Gestion des Résidus Solides (SMGRS). Et dans une conversation téléphonique, rendue publique par le concerné lui-même, Magalie Habitant a exprimé sa colère et rejette d’un revers de main les allégations d’Emmanuel Jean François,

Affirmant ne pas vouloir s’engager dans une dynamique de tac au tac, M. Jean Baptiste se détache de la Radio-Télévision Caraïbes. Cette décision, dit-il, consiste à préserver l’image de la RTVC et de la profession du journalisme en générale. « Mwen pat koule a pyes endividi nan okenn demagogji. Moralite m, se jile sovtaj mwen », a dit Edmond Jean Baptiste, qui dit vouloir rester moralement responsable. « Aprann viv a sa nou genyen, pou nou pa regrèt demen », conseille-t-il aux jeunes haïtiens.

Emmanuel Jean François contre-attaque et maintient ses accusations

Quelques heures après la sortie d’Edmond Jean Baptiste, son collaborateur, Emmanuel Jean François, l’homme par qui le scandale a commencé, revient à la charge. Dans une publication faite sur sa page Facebook, le co-animateur de l’émission Matin Caraïbes contre-attaque et confirme qu’une somme de 250 mille a été versé a des collaborateurs en décembre 2018, dans le cadre des programmes d’assainissement initiés par le gouvernement.

« Demach pou lave tèt ou a se pa ak sèl moun sa ou fe l ? Ok.. Si Guy pat gentan konfime sa, ou tap KAKAYE net jodi a la.. MAIS IL Y A UN DIEU POUR LES MALHEUREUX! », a écrit Manno. Il poursuit dans sa publication : « Leu yo rele Tom vin pran Kob la, li te Kfou.. Li bay numéro w pouw pran anvlop la.. Apresa Tom separe bay tout moun jan Guy Konfime l la..
Ou bzwen paret bel.. Men se pa devanm.. E ou konn sa byen… Paske nou gen fanmi, men lot moun yo pa gen fanmi yo menm. Zanmi se pa 1er kob asenisman ou manje. Jiskaprezan ou gen bouret ak pel nan men w…»

Il dénonce au passage un réseau de raketteurs implanté au sein de la Radio-Télévision Caraïbes, qui utilise la station pour soutirer de l’argent. Pour M. Francois, « Edmond Jean Baptiste est un imposteur, un bluffeur, un menteur ». « Ou pran kob ou , ou bwe soup 1er janvier ladann, Epi kounya wap fe je w chèche ap chèche konkou pou w lave tet ou.. Pito w pat pale.. Paske ou telman pran tout moun pou enbesil, ou vin menm jan avé yo », répond Emmanuel Jean François.

La version de Guyler C. Delva

Dans ce débat qualifié d’embarrassant et dénigrant par certains, Guyler C. Delva, co-animateur également de l’émission place ses mots, et apporte ce qu’il appelle « sa vérité ». « En décembre 2018, j’ai reçu un appel d’un ami, aujourd’hui décédé, m’informant qu’une amie de vielle date (une amie de plus de 30 ans) m’avait envoyé un cadeau pour les fêtes de fin d’année. Il m’a donné rendez-vous à Delmas où je me suis rendu pour recevoir un montant de 250,000 gourdes. Et tout de suite après j’ai appelé ma chère amie pour la remercier d’avoir pensé à son ami. Et je n’y voyais rien de mal, puisque dans le passé, alors qu’elle n’occupait aucun poste dans l’administration publique, elle savait me soutenir dans certaines initiatives », explique le journaliste.

Dans son texte qui parcourt déjà les réseaux sociaux, Guyler C. Delva souligne que « cette amie » n’était plus à la tête du SMCRS à cette époque. Pour le responsable de « SOS Journaliste », « il s’agissait d‘un geste entre une citoyenne privée et un ami privé ». « Donc cela n’avait rien à voir avec les deniers publics ou un quelconque programme d’assainissement. En tout cas, à ma connaissance. D’autant plus que cette amie, entrepreneure de son état, possédait de gros moyens avant même qu’elle n’ait eu l’occasion d’accéder à un poste politique », poursuit-il.

Dans la même veine, Guyler C. Delva s’est félicité d’avoir toujours refusé de participer à des actes et des pratiques de corruption. « J’étais Secrétaire d’État, Conseiller du Président de la République et Ministre de la Culture et de la Communication. J’aurais pu m’enrichir pour ne pas avoir à avoir besoin de l’aide – évidemment non sollicitée, sans condition et sans contrepartie – d’une amie de vielle date. Mais, ce n’est pas mon genre ! », justifie-t-il, présentant toutefois son mea culpa.

La Direction Générale se tait, « Matin Caraïbes » suspendue !

Alors que la question s’agite, la Direction Générale de la station n’a pipé mot. Aucune déclaration, aucune note, la grande Dame Caraïbes qui vient de célébrer ses 71 ans d’existence est dans la tourmente, dans le silence de la hiérarchie. La rédaction d’Haïti a tenté vainement de contacter le patron de la RTVC, Patrick Moussignac, pour une éventuelle réaction à ce sujet.

En attendant une réaction formelle, l’émission Matin Caraïbes a été suspendue, suite à ce scandale de pots-de-vin, qui affecte l’image de la station de la ruelle Chavannes. « J’adhère donc à la décision de Patrick Moussignac de suspendre temporairement Matin Caraïbes, puisque, dans l’état actuel des choses, il faut bien qu’il fasse quelque chose pour préserver l’image et la crédibilité de ce patrimoine. Il nous a toujours demandé de ne rien faire qui puisse entacher l’image de la radio. Il n’a jamais cessé de nous en avertir, de nous en prévenir », a réagi Guyler C. Delva.

Le sujet fait débat dans la société et enflamme les réseaux sociaux. Les critiques viennent de partout, la Presse haïtienne est une fois de plus sur le banc des accusés, la profession devient de plus en plus décriée. Entretemps, d’autres voix s’élèvent et exigent à ce que des mesures de redressement soient prises, dans le but de réguler le secteur, et soigner un peu l’image du journalisme en Haïti.

HIP / Haiti Infos Pro

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