Carnage à la prison de la Croix-des-Bouquets : quand PHTK tue pour se protéger
L’évasion planifiée de la prison civile de la Croix-des-Bouquets, le 25 février dernier, visant la fuite puis l’assassinat du puissant chef de gang Arnel Joseph, s’inscrit dans la stratégie du pouvoir PHTK de couvrir ses traces pour ne pas répondre de ses actes. Arnel Joseph avait signé son arrêt de mort lors de son audition au cabinet d’instruction le 25 janvier dernier au cours de laquelle, il avait révélé des informations fracassantes. Il travaillait, disait-il, pour des hommes politiques et des hommes d’affaires du secteur privé. Dès lors, sa mort était devenue inévitable.
Il faut inscrire la mort du chef de gang du Village de Dieu dans ce qu’on pourrait appeler une « politique d’anticipation », c’est-à-dire, utiliser toutes les stratégies possibles y compris la mort pour faire obstruction à toute tentative de dénonciations, de révélations, mettant en lumière les dérives, les exactions, le degré de complicité, de connivence, d’implication et de participation du pouvoir en place dans les meurtres, les assassinats, les massacres, les kidnappings qui rongent la société haïtienne.
C’est connu en Haïti que les chefs de gangs sont des collaborateurs privilégiés de la plupart des hommes politiques et d’affaires de ce pays. Ces derniers au moment opportun, en fonction de la réalité politique sollicitent l’aide des gangs pour déstabiliser le pays, créer un climat de peur, exécuter des adversaires politiques pour en tirer profits. Les pouvoirs en place de Jean-Bertrand Aristide à nos jours font des gangs un atout majeur, en créant des zones de non droit, en distribuant des armes pour intimider la population et assassiner les opposants au pouvoir. Le pouvoir PHTK est allé beaucoup plus loin, en facilitant la prolifération des gangs, instaurant l’impunité, multipliant les massacres et surtout en donnant libre cours au kidnapping.
Ce que nous appelons la « politique d’anticipation » a déjà fait de nombreuses victimes. Le juge Jean Serge Joseph est mort subitement le 13 juillet 2013 parce qu’il travaillait sur un dossier impliquant la famille présidentielle, Me Monferrier Dorval, par sa grande gueule, son aura, son savoir et sa compétenc, représentait un obstacle voire une menace au projet de referendum du pouvoir en place et de la nouvelle constitution. Il a été lâchement assassiné par les sbires du pouvoir en place. Le bâtonnier ne resterait jamais les bras croisés à regarder un pouvoir tyrannique bafouer la loi-mère, il n’accepterait jamais de voir un exécutif tout-puissant attaquer le pouvoir judiciaire comme l’a fait Jovenel Moïse, enfin il aurait dit au président de facto que son mandat est arrivé à terme. Parce qu’il était une voix écoutée et respectée, il représentait un obstacle à abattre. De fait, il a été abattu par des proches de Martine Moïse, pour le compte de Martine Moïse.
Il faut aussi comprendre qu’Arnel Joseph, quoique diamétralement opposée au bâtonnier Dorval, a lui aussi été victime de la « politique d’anticipation ». Arrêté, soigné puis incarcéré, Arnel Joseph était une bombe à retardement. Il représentait une mine d’or pour la justice haïtienne. Son rapport de proximité avec les autorités du pays et les hommes d’affaires étaient un secret de polichinelle. Ses révélations devant le juge d’instruction le 25 janvier dernier faisaient de lui une menace pour ses complices. Arnel se croyait plus malin, les informations révélées étaient un moyen de pression pour forcer ses complices à organiser son évasion au plus vite. Mais il s’est fait doubler. Le pouvoir en place a fait d’une pierre de coup, il a non seulement planifié son évasion mais aussi son assassinat. Arnel Joseph incarcéré était plus important vivant que mort. Il pouvait aider la justice à démasquer les véritables pourvoyeurs des gangs, les auteurs intellectuels du kidnapping. Mais la politique « d’anticipation » du pouvoir en place a eu gain de cause.