Célébration du 352ème anniversaire du Cap-Haïtien ou l’illusion d’une autre Haïti

Loin du stress de Port-au-Prince, les invités à la célébration du 352ème anniversaire de la fondation de la ville du Cap-Haïtien ont fait montre d’un certain enthousiasme à s’unir dans une réjouissance collective étonnante. Mais les soucis socioéconomiques qui demeurent doivent rattraper les fêtards dans leur illusion.

L’expression de l’emballement manifesté au Cap-Haïtien, à l’occasion des festivités dédiées à la célébration du 352ème anniversaire de fondation de la ville, traduit une certaine folie longtemps refoulée, mais libérée au bout du compte. Des participants aux différentes affiches culturelles, majoritairement des invités venus de Port-au-Prince et d’autres villes de province, n’ont pas lésiné sur les moyens afin de profiter de cette fenêtre de réjouissance.

Sur les réseaux sociaux, des images virales résument les excédents de joie des bambocheurs. Dîner en blanc à Cormier, excursion touristique à Milot, soirées musicales sur la Place publique au cœur de la ville, mobilisation culturelle ont rehaussé un weekend d’éruption de cratère ponctué par la célébration de la Notre Dame de l’Assomption. La Cité Christophienne regorgeait d’invités, de pèlerins, de visiteurs, des natifs longtemps expatriés qui ont repris goût à l’atmosphère égayée, ont révélé des autorités locales.

À défaut d’une réservation pour une chambre d’hôtel, dont les coûts ont pratiquement explosé ces dernières 24 heures, certains étrangers ont eu recours à des ententes entre amis pour passer la nuit. Au Cap-Haïtien, tout portait à croire que ça valait la peine de tout miser pour espérer une parenthèse de plaisir, jubile un Capois chauvin, visiblement comblé par l’effervescence des rues.

Au-delà de toutes considérations, il semble que les viveurs se sont vus rattraper par la réalité ambiante. Des voix discordantes évoquent certaines rues jonchées de détritus, des opérations d’assainissement sélectives conduites par la Mairie qui peinent à voiler la routine. Depuis plus d’un an, la deuxième ville du pays est plongée dans le noir. Les initiatives de l’activiste politique Pascal Adrien pour exiger des autorités compétentes la remise en service de la centrale électrique s’estompent à la perception d’une récupération politique de la crise du courant électrique.

Le bonheur passager que procure la fête ne doit en aucun cas reléguer au second plan des préoccupations fondamentales. La ville attend encore un service d’incendie compétitif, les derniers sinistres le prouvent. Du point de vue socioéconomique, le chômage triomphe dans les provinces et le Cap-Haïtien n’en est pas exempt, rappelle un économiste. Jusqu’au soir du vendredi, le dollar s’échangeait contre 150 Gourdes et l’inflation tenaille les familles.

Dans le chef-lieu du département du Nord d’Haïti, les services sociaux de base font énormément défaut. Le fonctionnement de l’Hôpital universitaire Justinien ne sort pas du lot des autres centres hospitaliers haïtiens. Des grèves à répétition, des manques criants d’équipements sanitaires interpellent. D’autres soucis comme les risques sismiques qui menacent le Grand-Nord conjugués à l’impréparation des citoyens dissipent toute illusion d’une commune du Cap-Haïtien comparée à une autre Haïti, rien qu’en l’espace de quelques heures.

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