Culture: Pour le Carnaval, mais contre son organisation

Culturellement, le carnaval fait partie de notre patrimoine. Il est ancré dans notre histoire de peuple. Son histoire n’est pas liée à un gouvernement, c’est un moment de grande réjouissance populaire, qui a marqué la vie de plusieurs générations haïtiennes. C’est aussi un lieu d’expression de l’art haïtien sous toutes ses formes, un espace de convivialité, d’échanges, de grandes exaltations et d’exultations. Les Haïtiens aiment le carnaval, ils sont pour le carnaval. Néanmoins, la situation délétère dans laquelle se trouve le pays ces dernières années rend impossible l’organisation de cette fête nationale. Nous sommes certes pour le carnaval, mais contre son organisation.

Le comité de réflexion sur l’organisation du carnaval formé par le premier ministre de facto pendant son séjour à Decameron, est une façon pour lui de détourner les regards du peuple haïtien sur la situation sécuritaire dégradante du pays et son incapacité à donner le ton. Depuis le début de l’année 2022, Ariel Henry ne fait qu’essuyer les échecs. Humilié aux Gonaïves le 1er janvier, il s’est retranché derrière un discours de tentative d’assassinat sur sa personne, indexé par le RNDDH et le New York Times pour ses relations clandestines avec l’un des suspects-clés de l’assassinat de Jovenel Moïse, il est parti en retraite à Decameron pour se faire oublier à un moment où deux autres suspects-clés ont été appréhendés dans le cadre de l’assassinat de Jovenel Moïse. La formation de ce comité de réflexion sur l’organisation du carnaval, n’est autre qu’une justification du bien-fondé de la retraite, qui à la vérité ne servait à rien.

Ce n’est pas un comité de réflexion sur le carnaval qui va nous dire que le moment n’est pas favorable au rassemblement pour des réjouissances populaires, qui va nous rappeler à quel point le pays est invivable depuis plusieurs années, et ce n’est pas non plus ce comité qui va nous faire comprendre que nous sommes plus en sécurité dans le pays. Ce serait tout simplement nous infantiliser, puisque chaque jour nous faisons face aux incertitudes, certains d’entre nous côtoient la mort à Martissant, d’autres se font kidnapper dans les rues et dans leurs maisons, certains ont fui leur maison par peur d’être tués, brulés vifs etc. Comment réfléchir sur l’organisation du carnaval à un moment où les gangs élargissent leur territoire et nous encerclent? Comment réfléchir sur l’organisation du carnaval à un moment où le pays est sans destination? Comment réfléchir sur le carnaval, à un moment où celui qui tient les rênes du pouvoir est non seulement un premier ministre de facto, mais fait aussi l’objet de terribles accusations qui le place au rang de complice présumé dans l’assassinat de Jovenel Moïse?

Nous aimons trop le carnaval pour accepter qu’il soit aujourd’hui et depuis ces dix dernières années, un outil politique, un instrument de propagande du gouvernement en place. Le carnaval doit renaître de ses cendres, il doit redevenir cet espace où les artistes passaient en dérision les politiciens véreux, ou les chanteurs portaient les revendications populaires, il doit redevenir un moment de « banbòch » populaire, d’ivresse, de joie, d’exaltation, d’excitation, mais aussi un lieu d’exposition de la culture et de l’art haïtien. Pour toutes ces raisons, nous sommes pour le carnaval, mais contre son organisation.

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