Déshabillé devant le Conseil de sécurité de l’ONU, Jovenel Moïse tente de se défendre

Le Conseil de sécurité des Nations-Unies a organisé, le lundi 22 février 2021, une séance spéciale autour de la crise politique qui secoue Haïti. Insécurité, kidnapping, mauvaise gouvernance, violation de droits humains…, sont, entre autres, les points qui étaient au menu de cette rencontre organisée par visioconférence. Occasion pour le Président de facto Jovenel Moïse d’avancer des arguments peu convaincants et de jeter la responsabilité de son échec sur certains secteurs. Des arguties qui n’ont pas empêché les membres du conseil d’exprimer leurs préoccupations et d’accorder une note salée à M. Moïse.

Dans son intervention, Jovenel Moise a tenté d’accuser certains secteurs, particulièrement les membres de l’opposition qui, dit-il, utilisent la violence politique comme méthode de lutte pour la prise du pouvoir. Lors de son intervention interrompue a plusieurs reprises par faute de connexion internet, l’ancien patron d’Agritrans, parmi tant d’autres points, a abordé la question liée à l’insécurité et au kidnapping.

« Sur 102 gangs existants, le Gouvernement en a démantelé 64 et le travail de rétablissement de la sécurité a été accéléré. Le nombre de kidnapping a considérablement baissé et la population apporte son support au travail de la police nationale. La plupart de ces gangs sont supportés par des oligarques corrompus », a déclaré Jovenel Moïse. Sur les réseaux sociaux, cette affirmation étonne plus d’un, mais le Chef de l’Etat dont le mandat est arrivé à terme depuis le 7 février dernier, indique que le gouvernement a appliqué une stratégie de démantèlement des gangs.

« Des actions sont en train d’être menées un peu partout dans le pays pour neutraliser les groupes armés et rétablir la sécurité sur toute l’étendue du territoire », a annoncé M. Moïse, qui parle d’augmentation du budget de la police.

Faute d’arguments, Jovenel cible les journalistes

Alors que plusieurs acteurs nationaux et internationaux dénoncent la brutalité policière à l’égard des journalistes, Jovenel Moïse de son coté a une autre compréhension de la situation. Pour lui, les interventions des forces de l’ordre se font toujours dans le respect des règles d’engagement. « Quand il y a des dérapages, ils sont référés à l’inspection générale pour les suites nécessaires », a-t-il affirmé.

Dans son intervention, M. Moise a mentionné que « souvent des gangs se déguisent en manifestants et journalistes pour attaquer nos policiers en service ». « C’est dangereux pour le policier et pour les manifestants pacifiques. Mon Administration veut améliorer son score 83 sur 189 dans le prochain classement mondial sur la liberté de la presse. C’est pourquoi nous restons ouverts aux journalistes », a dit Jovenel Moïse comme pour désamorcer une bombe.

Parallèlement, le poulain de l’ex-Président Michel Martelly a vanté les interventions de son Gouvernement qui, dit-il, « a pris un certain nombre de mesures volontaristes visant à assurer la garantie des droits et des libertés dans tous les domaines ». Pour M. Moïse « la liberté de la presse est respectée sous toutes ses formes, les cas d’abus et de violation des droits de l’homme sont investigués et les coupables poursuivis par les instances policières et judiciaires ».

Jovenel déshabillé par des membres du Conseil

Tout au long du déroulement de cette rencontre spéciale, les représentants des différents pays ont exprimé leurs préoccupations par rapport à l’aggravation de la crise politique en Haïti. Pour faire apparaitre leurs inquiétudes, ces diplomates ont évoqué les problèmes liés à l’insécurité, le kidnapping, l’absence d’élections, indépendance de la justice et la violation des droits humains.

Parmi les interventions qui ont retenu l’attention, celles de la Représentante de la France qui, sans langue de bois, a accordé une note salée au Président de facto Jovenel Moïse. « La France observe avec une grande préoccupation, la situation en Haïti », a déclaré d’entrée de jeu Nathalie Broadhurst. La diplomate française cite en exemple le cas du parlement qui ne siège plus, le gouvernement dirige par décret, le renvoi de 3 juges à la Cour de cassation. « Cette situation n’est pas tenable sur le long terme », a souligné Mme Broadhurst, espérant que le prochain scrutin contribuera à résoudre la crise.

Cependant, 3 conditions sont indispensables. D’abord, une sécurité minimale, ensuite l’accélération de la distribution des cartes d’identification, ainsi que la mise en place d’un conseil électoral impartial.

Sur la question de l’impunité, la Représentante de la République française au Conseil de sécurité de l’ONU a posé certaines questions directement à Jovenel Moïse : « Comment est-il possible que Barbecue soit encore en liberté? Les responsables des massacres de La Saline et de Bel-air doivent être traduits en justice…», s’est interrogée Nathalie Broadhurst. Aussi, la diplomate française a rappelé que l’enquête sur l’assassinat du bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-Prince, Me Monferrier Dorval n’a toujours pas progressé. Pour elle, « la bataille contre l’impunité en Haïti doit être la priorité des autorités ».

« Je ne vais pas répondre maintenant à des questions, parce que je suis bien édifié… », s’est contenté de répondre Jovenel Moïse, suite aux préoccupations exprimées par les représentants des différents pays. Tout en remerciant la communauté internationale pour son appui, M. Moïse à quand même renouvelé sa volonté d’organiser les élections cette année, et quitter le pouvoir le 7 février 2022. Aussi, il a réaffirmé sa détermination a enclenché le processus de réforme constitutionnelle qui doit passer par la réalisation d’un referendum qui est pourtant interdit par la constitution haïtienne.

Haiti Infos Pro

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