Entre accord et désaccord, les « accords politiques » à la croisée des chemins

Le pouvoir politique ne doit s’exercer ni par la force ni par la violence dans un régime démocratique. Il doit être soumis à la loi et s’exercer par les institutions républicaines. Malheureusement, en Haïti l’exercice du pouvoir se fait en dehors des prescrits constitutionnels et en violation totale de tous les acquis démocratiques.

Des premiers balbutiements de la démocratie en Haïti jusqu’à aujourd’hui, Ceux qui ont exercé et exercent le pouvoir au plus haut niveau n’ont fait qu’engendrer des crises conjoncturelles et structurelles. Ces crises cumulées depuis des années sont arrivées à leur phase ultime. Le système est dépassé et l’heure du changement a sonné. La mort de Jovenel Moïse aussi tragique et douloureuse soit-elle pour certains, nous offre la possibilité d’entamer la rupture. Plus de 7 mois après le magnicide, nous sommes incapables de nous mettre ensemble pour trouver une feuille de route consensuelle pour sortir le pays du marasme dans lequel il se trouve.

Notre démocratie n’est plus menacée, elle est bafouée, mutilée, piétiné, estropiée, elle ne respire plus. Elle ne repose plus sur ses piliers, à savoir les institutions. Il n’y a depuis un certain temps en Haïti, particulièrement avec Jovenel Moise, plus de frontière, plus de séparation entre les trois pouvoirs. Les institutions ne se diffèrent plus l’une de l’autre, elles ne se reconnaissent plus, elles se confondent entre elles, renonçant pleinement à leurs droits d’exécution pour l’exécutif, de contrôle pour le parlement et de justice pour le judiciaire. Par conséquent, nous ne sommes plus en démocratie, puisqu’il n’y a plus de règles pour dicter le jeu politique. Ainsi, nous voici aujourd’hui à la croisée des chemins, ne sachant quelle voie emprunter, quel accord adopter pour un retour à la normale.

Le chemin qu’il faut prendre aujourd’hui ne peut en aucun cas être l’apanage de l’accord du 11 septembre, ni de Montana-Pen, ni de Louisiane. L’assassinat de Jovenel Moïse, quoique de facto, a accéléré la dégradation du pays, rendu caduc l’exécutif, provoqué une situation insoluble au regard de la constitution et laissé un grand vide qu’il faut à tout prix combler. En dehors de la constitution qui malheureusement ne fait plus autorité, il n’y a aucune recette magique pour une solution acceptable et acceptée de tous. Il y a en revanche des accords qui méritent d’être accordés. Les principaux antagonistes, en d’autres termes les acteurs majeurs des différents accords, doivent lâcher prise. Ils doivent sortir de leur zone de confort pour chercher un consensus, ils doivent mettre de côté leur ego et leur prétention d’être en possession de l’accord idéal. Sortir d’où nous sommes aujourd’hui demande un dépassement de soi, des sacrifices et des efforts de tout un chacun pour une solution haïtienne.

Néanmoins, ne nous y méprenons pas. Le comportement des acteurs en présence nous laisse perplexes sur leur capacité à prendre une direction commune. Les intérêts mesquins semblent prendre le pas sur les intérêts collectifs. Le jeu démocratique, certes est contradictoire, le pluralisme politique est fait d’accord et de désaccord, en revanche, sur les intérêts supérieurs d’Haïti, il ne doit y avoir qu’un seul accord, celui qui doit s’articuler autour du respect de la constitution, dans laquelle sont consacrés le droit à la vie, au logement décent, au bien-être collectif, au travail, au principe de l’altérité etc. D’où la nécessité impérieuse pour les acteurs des accords d’accorder leurs violons dans l’intérêt des fils et des filles d’Haïti.

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