EXCLUSIVITE | Récit poignant de femmes victimes de viol à Cité Soleil

Entre mars et juillet 2020, une vingtaine de femmes ont été violées à Cité Soleil. Selon un rapport du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), rendu public le 13 Août dernier, ces actes sont l’œuvre d’individus armés, particulièrement ceux du regroupement « G-9 an fanmi » et alliés. Quelques semaines après ces viols collectifs, les victimes ne s’en remettent toujours pas. Quatre (4) d’entre elles se sont confiées à la rédaction d’Haïti Infos Pro.

TEMOIGNAGES

Des gestes. Des menaces. Des mots et des coups. Adeline* se souvient de tout. Le fil de l’évènement reste bien vivant dans la mémoire de cette dame âgée de 37 ans, qui habite à Brooklyn, l’un des 34 quartiers de Cité Soleil. « Li te 6zè nan aswè, lè yon gwoup jèn gason te wèm ap pase. Yo relem. Mwen di mwen pap ka kanpe nan pale. Lè yo wè mpa vle kanpe, yo kenbem. Gen 2 lòt ki soti nan yon raje, avèk zam nan men yo. 3 ladan yo vyolem aprè sa yo lagem. Li te 10zè nan aswè”, raconte-t-elle, la voix pleine de colère.

Mère de 4 enfants, Adeline rapporte que ces individus armés, encagoulés, se réclamaient tous du regroupement « G-9 an fanmi » et alliés, représenté par les nommés Isca et Matyas à Cité Soleil. « Erezman yo pat touye m, se vyole yo vyole m. Se gras BonDye ki fèm vivan toujou », dit-t-elle. En plus du viol, Adeline rapporte que l’un ses fils a été egalement tué par les gangs du G-9, durant les affrontements armés. « Nous sommes tous exposés. Nous cotoyons la mort quotidiennement. On n’en peut plus », crie cette mère de famille.

Jasmine*, 41 ans, a été violée à son tour le 3 juillet. « Li te 6zè nan aswè jou sa a. Gen yon mesye ki gen yon kagoul ki pranm kap pousem. Li dim ann ale. Lèm vire poum gade kiyes li dim avanse. Li ale nan yon raje avem. Epi li komanse vyolem. Men pandan tout tan sa yo, mpa wè vizaj yo. Lap vyolem, epi lap banm kou. Lèl fin vyole m, mwen ta pral rele anmwey. Li di sim rele anmwey, lap touyem. Li pran tout rad mwen li chire », raconte cette mère de 5 enfants. Aux abords des larmes, elle fustige le comportement du pouvoir en place qui, selon elle, ignore l’existence de la commune de Cité Soleil. Avant le viol, soit le 20 mai dernier, son mari a été bien avant tué, puis brulé par ces mêmes groupes armés. Un viol et un meurtre tragique, environ 2 mois après, Jasmine ne s’en remet toujours pas. « Nous réclamons justice ! C’est la seule chose que nous puissions exiger », dit-t-elle.

Vena*, elle aussi, est doublement victime. En mars dernier, l’un de ces fils, âgé de 20 ans, a été atteint d’un projectile. Au cours de cette même période, sa fille de 16 ans a été violée. « Yo te vyole l pandan lap sot Nazon. Sa rive pandan l tap rantre nan site a. Li te nan yon machin piblik, lè yon gwoup nèg te parèt, yo pran tout jèn fi ki te nan machin nan. Lè yo fin pran yo, yo rantre nan yon ranje avè yo. Aprè sa, yo vyole tout. Lè li vini, mwen wèl wouj ak san », témoigne-t-elle. Cette dame qui réclame elle aussi justice pour ces 2 enfants, accuse le Président Jovenel Moïse d’être à la base de toutes ces actions criminelles.

« Mwen viktim nan tout sans. Mwen gen plizye pwoch mwen ki mouti déjà. Nou mande jistis », dénonce Milène*, qui a été violée à son tour le 10 juillet dernier. Cette dame qui avoisine la cinquantaine appelle l’actuel locataire du Palais national à mettre tout en œuvre, en vue de démanteler ces groupes armés, qui continuent de terroriser la population de Cité Soleil. « Moun Site Solèy paka fin vote yon Prezidan, epi pou se li menm anko ki mete yon kò gang, pou manje nou ankò », déclare Milène, l’air révoltée. Au nom de toutes les femmes victimes de viol dans ce quartier qui souffrent en silence, Adeline, Jasmine, Vena et Milène demandent justice.

Entretemps, un semblant d’accalmie est constaté à Cité Soleil depuis la fin de la semaine écoulée. Les concerts de cartouches se sont tus. Quelques établissements scolaires recommencent ont fonctionné. Le petit commerce peine à prendre sa vitesse de croisière. Entretemps, la police n’est toujours pas visible. Le désengagement de la justice devient de plus en plus palpable. Entre la rumeur d’une probable division entre les membres du G-9, le renforcement du groupe armé de Gabriel, Cité Soleil respire quand même. La peur d’un retour aux affrontements peut se lire sur le visage des habitants de ce bidonville, frappés par la misère et la pauvreté extrême.

Note :Adeline, Jasmine, Vena* et Milène* sont des noms d’emprunt. Leurs témoignages (format vidéo) sont disponibles sur Facebook : « Page Haïti Infos Pro ».

Luckson Saint -Vil / HIP

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