Santé - Cancer

Haïti-Santé : faute d’accès à la chimiothérapie et à la radiothérapie, les patients cancéreux vivent un calvaire 

En Haïti, le cancer est devenu une menace silencieuse pour la population, aggravée par un système de santé incapable de fournir les traitements nécessaires en raison du manque criant d’accès aux traitements essentiels comme la chimiothérapie et la radiothérapie. Toutefois, les interventions chirurgicales pour traiter diverses formes de cancer sont parfois disponibles dans certains hôpitaux du pays. Ces traitements sont cruciaux pour réduire les risques de récidive et pour éradiquer les cellules cancéreuses restantes. Pourtant, pour certaines personnes, l’accès à ces soins vitaux est loin d’être simple. Les obstacles sont nombreux : pénurie d’installations spécialisées, manque de personnels qualifiés, longues listes d’attente, coûts prohibitifs, et dans certains cas, la nécessité de se déplacer loin de chez eux, loin de leurs proches et de leurs soutiens. Cette situation engendre un stress immense pour les patients et leurs familles, qui doivent jongler entre le besoin urgent de soins et les défis logistiques et financiers. Selon les derniers chiffres , en 2022, le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé recense 13 860 nouveaux cas de cancer dans le pays.

L’histoire de nombreux patients reflète cette triste réalité. Une femme journaliste récemment opérée d’un cancer du côlon, à Port-au-Prince, se trouve aujourd’hui dans une situation désespérée. Après avoir épuisé ses économies pour l’opération, bien que la chirurgie ait été un succès, le voyage de la jeune professionnelle est loin d’être terminé. Elle est incapable d’accéder à la chimiothérapie, le traitement post-opératoire essentiel pour réduire le risque de récidive. L’absence de ces soins vitaux la place, comme tant d’autres, dans une position de vulnérabilité extrême.  Cette situation met en lumière les graves lacunes du système de santé haïtien.

Il n’existe qu’un petit nombre de centres spécialisés, et l’accès aux traitements comme la chimiothérapie est restreint. Il est important de souligner qu’il n’existe pas de radiothérapie en Haïti. L’un des centre de traitement est l’Institut National d’Oncologie, situé à Port-au-Prince. Cependant, même cet institut fait face à des défis, notamment en termes d’équipements et de personnel qualifié. En dehors de cela, quelques hôpitaux privés offrent des services limités de traitement du cancer, mais ils sont souvent inaccessibles pour la majorité de la population en raison des coûts élevés. En résumé, le nombre de centres de traitement pour le cancer en Haïti est très réduit, et les options disponibles ne suffisent pas à couvrir les besoins de la population.

Les patients qui en ont besoin sont souvent contraints de se rendre à l’étranger, principalement en République dominicaine ou aux États-Unis, pour recevoir ces traitements. Cependant, cette solution n’est accessible qu’à une petite minorité qui a les moyens financiers de couvrir les coûts exorbitants de ces déplacements et des soins dans des pays étrangers. Pour la majorité, cette option est un rêve inaccessible, du coup des centaines de patients sont sans alternative.

Le parcours difficile d’une patiente cancéreuse

Après son opération pour un cancer, Marie* se retrouve face à ce défi qu’elle n’avait pas anticipé : trouver un endroit où poursuivre son traitement par chimiothérapie et radiothérapie. « C’est moi qui dois chercher l’endroit », confie-t-elle lors d’une interview à Haïti Infos Pro. « Je ne sais pas où aller, quels sont les bons endroits , J’ai peur de tomber sur des charlatans », explique Marie. Comme beaucoup de patients dans sa situation, la jeune femme est confrontée à cette incertitude qui ajoute une nouvelle couche de stress à sa bataille contre la maladie. Elle n’a pas reçu d’orientation claire ou de recommandations fiables sur les établissements où elle peut recevoir ces traitements vitaux. Dans un contexte où les informations médicales ne sont pas toujours facilement accessibles et où les escroqueries médicales existent, sa crainte est légitime. Marie hésite à faire confiance aux cliniques ou aux centres qu’elle trouve seule, redoutant de tomber sur des praticiens non qualifiés ou, pire encore, sur des charlatans qui exploiteraient sa vulnérabilité. Cette situation la laisse dans une position d’incertitude, où chaque décision pourrait avoir des conséquences cruciales pour sa santé.

Son témoignage met en lumière un problème crucial : l’absence de soutien adéquat et d’informations claires pour les patients après une intervention chirurgicale contre le cancer. Alors qu’ils devraient être concentrés sur leur guérison, beaucoup, comme Marie, se retrouvent à naviguer seuls dans un système de santé complexe, à la recherche d’un espoir et d’une sécurité pour leur avenir.

Un pays à la traîne dans la lutte contre le cancer

La Dr Marie Antoinette Gauthier, une figure éminente de la chirurgie en Haïti, n’a pas mâché ses mots en décrivant la situation actuelle des soins pour les patients atteints de cancer. « Malgré les grands efforts qui s’effectuent de par le monde pour parvenir à traiter le cancer, Haïti n’arrive toujours pas, malheureusement, à se mettre au diapason » déclare-te-elle, avec une pointe de désespoir. Alors que des progrès majeurs sont réalisés dans le monde entier pour combattre le cancer, en Haïti le manque d’infrastructures et de volonté politique laisse le pays à la traîne. Depuis les années 1970-1980, peu d’initiatives ont été mises en place pour améliorer l’accès aux traitements comme la la radiothérapie. La déclaration de la Dr Gauthier souligne un contraste saisissant entre les avancées mondiales dans le domaine de l’oncologie et la stagnation qui caractérise la situation en Haïti. L’absence d’une politique nationale de santé adaptée aux réalités du cancer place le pays dans une position extrêmement désavantageuse, où les patients sont souvent abandonnés à leur sort, sans accès aux soins essentiels.

Un système de santé à genoux

Le manque d’infrastructures, de matériels médicaux empêche les hôpitaux locaux de fournir les traitements nécessaires. L’une des raisons majeures de cette crise est le déficit flagrant de personnel de santé qualifié dans le pays. Depuis plusieurs années, le pays connaît une fuite massive de ses professionnels de la santé. Selon certaines estimations, plus de 70 % des médecins formés en Haïti ont fui la violence des gangs pour s’établir à l’étranger, principalement en Amérique du nord et en Europe. Les infirmières, les techniciens médicaux, et même les pharmaciens suivent la même tendance, attirés par de meilleures conditions de travail et des salaires plus compétitifs condamnant ainsi de nombreux patients à une issue fatale. Les témoignages de patients et de leurs familles révèlent une souffrance immense et un sentiment d’abandon.  « Après l’opération, nous étions pleins d’espoir. Mais sans accès à la chimiothérapie, c’est comme si on avait abandonné la lutte à mi-chemin », confie un proche d’une patiente opérée du cancer du côlon. Le temps presse pour de nombreux patients haïtiens atteints cette terrible maladie.

Un avenir sans issue

Haïti restera un pays où le cancer est souvent une condamnation à mort, faute de moyens pour le combattre. Alors que les avancées médicales dans le traitement du cancer ont permis d’améliorer les taux de survie à travers le monde, ces progrès restent hors de portée pour les citoyens haïtiens. Il est urgent que les autorités se mobilisent pour apporter des réponses concrètes et durables, afin que chaque Haïtien ait une chance équitable de vaincre le cancer, sans avoir à quitter son pays ni à s’endetter au-delà du possible.

Marie est nom d’emprunt utilisé pour préserver l’anonymat.

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