Haïti-Social : La domesticité, un fléau qui tue le rêve de nos fillettes

En Haïti, des milliers de petites filles quittent leur ville natale en quête d’un emploi de domestique dans les familles, dans la capitale et ses environs. Dans la plupart des cas, ce sont encore des enfants qui ne bénéficient d’aucune forme de protection. Elles sont enclines à toutes sortes d’exploitations et d’abus. Ces filles mineures évoluent dans des espaces privés et sont vulnérables.

Cette couche féminine, dont l’âge varie généralement entre 8 à 16 ans, est la plupart du temps déscolarisée. Fuyant la misère chez leurs parents qui ne peuvent pas prendre pleinement leurs responsabilités, ces filles viennent souvent des villes par l’entremise d’un ami, d’un parent ou d’une connaissance. Presque toutes innocentes, et ne sachant pas trop ce qui les attend, ces fillettes aspirent toutes à mener une vie décente. Dans cette aventure, bon nombre parmi elles sont aussitôt déçues du comportement de leurs responsables. La plupart tombent dans les pièges multiples que cachent les mirages de la grande ville.

Yveline n’est exempte de ce phénomène communément appelé Restavèk en Haïti. Originaire du Cap. Agée de 13 ans, le calvaire de cette fillette commence en 2017 après la mort de sa maman. Yveline travaille comme domestique chez sa tante dans la commune de la Croix-des-Bouquets. Vêtue d’une petite robe jaunâtre, la petite marchait avec découragement, portant sur la tête un saut d’eau. Au commencement, elle s’attendait à être accueillie comme un vrai membre de la famille. Au début, elle ne s’occupait que de ses cousins et cousines. Très vite elle a vu s’élargir ses tâches domestiques. Le temps est révolu, raconte t-elle. Après le départ de la servante de sa tante, Yveline s’est vue octroyer des tâches trop lourdes pour son âge.

En plus des courses, Yveline se charge désormais de balayer la grande cour, de faire la vaisselle, de faire le ménage. Sa journée de travail débute à 5 heures du matin. Yveline commence par préparer le petit déjeuner pour toute la famille. Ensuite elle s’attaque au reste de ses tâches. La petite doit prendre son mal en patience en attendant un jour meilleur.

Yveline n’est pas la seule qui travaille comme restavèk et qui subit la maltraitance. Carine, 16 ans, engagée comme domestique dans une famille à Tabarre raconte qu’elle voulait sortie de cette péripétie. Quelques mois après, elle a été violée par le premier garçon de sa patronne. Cette dernière tenta de camoufler le crime odieux de son rejeton. Elle accusa la pauvre d’être une fille facile. Carine ne sait où aller, voilà pourquoi elle reste dans cette maison, a-t-elle avoué.

Caroline, âgée de 16 ans, victime de promesses utopiques, raconte sa mésaventure: « C’est ma tante qui m’a fait quitter ma ville natale (Les cayes) pour Port-au-Prince. Elle m’a promis de venir pour m’envoyer à l’école. Mais à mon arrivée, elle m’a demandé d’entretenir proprement sa maison en faisant la lessive et la vaisselle. Contrairement à sa promesse, je regarde chaque jour les enfants qui vont à l’école. Je lui avais demandé pourquoi je ne vais pas à l’école? Elle m’a répondu l’année prochaine. Et ça fait déjà 14 mois depuis que je suis chez elle, mais jusqu’à maintenant rien », regrette cette jeune adolescente.

Les risques les plus répandus auxquels s’exposent les enfants concernent des journées de travail longues et éprouvantes, y compris des violences verbales ou physiques et même des abus sexuels.

« Les risques sont plus élevés lorsque ces enfants vivent au domicile de leur employeur. Ces dangers doivent être appréciés dans un contexte de privation des droits fondamentaux de l’enfant, tels que l’accès à l’éducation et aux soins de santé, le droit au repos et aux loisirs, au jeu et à des activités récréatives, le droit d’être protégé et d’avoir des contacts réguliers avec ses parents ou ses semblables. Ces facteurs peuvent avoir un impact physique, moral et psychologique irréversible sur le développement, la santé et le bien-être des enfants », a déclaré le coordonateur de programme de l’organisation Fondasyon Depase Fwontyè yo, Guyto Desrosiers. Les enfants n’ont pas conscience de la situation dans laquelle ils se retrouvent. Ces enfants souffrent des problèmes mentaux après plusieurs années passés en domesticité, a poursuivi Guyto Desrosiers.

L’absence de l’État

« Nous devons agir le plus rapidement possible pour les tirer de cette situation qui compromet leur bien-être, leur éducation et leur développement. Nous n’allons pas fermer les yeux, car nous sommes des responsables», a déclaré la directrice de l’IBESR, Arielle Jeanty Villedrouin.

Quid de la loi haïtienne???

Appelés enfants en service par la législation haïtienne, dans la réalité quotidienne les enfants en domesticité sont couramment dénommés restavèk. Selon le décret mettant à jour le code du travail en date du 12 septembre 1961, l’enfant en service est celui âgé de 12 à 15 ans (article 341et 350). D’après l’article 350 de ce même décret, l’enfant en service ou en domesticité tel que défini ne reçoit pas, comme cela est mentionné antérieurement, un salaire pour les services rendus à la famille de placement. L’article 345 du décret précédemment cité mentionne les besoins et les obligations auxquels les enfants ont droit dans leur famille de placement.
Selon l’article 349, les sévices psychologiques et châtiments sont interdits comme forme de punition. Dans le cadre de la violation de ces normes par une personne, l’Institut de Bien-être social et de Recherche (IBESR) comme instance publique et légale, soumettra un rapport au tribunal du travail qui peut imposer une amende entre mille et trois mille gourdes (1000 et 3000 gourdes). Le montant de l’amende sera versé aux parents naturels de l’enfant.

En Haïti, environ 207 000 enfants vivent en domesticité, selon un rapport du Bureau international du travail publié en 2016.
L’éradication du travail des enfants est un défi de taille pour Haïti, car près de 80 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté.

Kettia JP Taylor / HIP

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