Haïti, une démocratie à l’épreuve des querelles intestines

Jovenel Moïse a été l’objet de toutes les critiques depuis son élection et jusqu’à présent. Les stratégies se sont multipliées pour l’écarter du pouvoir, reprochant au patron du Palais national sa mauvaise gouvernance et son incapacité à diriger Haïti.

Les 6, 7 et 8 juillet 2018 constituent indubitablement, trois jours inoubliables pour Jovenel Moïse. Depuis sa campagne électorale jusqu’à son investiture, il n’a pas raté une seule occasion de faire des promesses les unes plus alléchantes que les autres, pleines d’espoirs et de vie pour une meilleure Haïti. Électrification de tout le territoire national dans 24 mois, l’une des promesses qui lui toujours tient à cœur. C’était en 2017. Nous sommes maintenant à la fin de 2020. À chaque sortie, de nouvelles promesses et cela continue de plus belle. Passant de l’homme de la banane à l’homme des fausses promesses, aujourd’hui il s’est autoproclamé « demi-dieu » sur terre.

Le 7 février 2019, la date où tout a commencé à basculer. La bataille était devenue plus acharnée, l’opposition, renforcée par la population exigeant son départ. Une nouvelle forme de mobilisation dans l’histoire haïtienne, le phénomène « Peyi Lok ». Tout est paralysé. Haïti se plonge dans l’illusion totale, la vie ne vit plus. Des jours et des nuits dans le tourment. Des scènes de pillage, des casses, des maisons, magasins et commissariats sont incendiés. Les dégâts sont considérables, l’espace d’un cillement.


L’obscurité, le mépris, le désespoir se lisent sur le beau visage d’une population espérant un meilleur lendemain. Un lendemain porteur de bonheur et de nouvelles opportunités. Depuis des lustres, cette population a été toujours prise au piège des beaux parleurs, des hommes qui se montrent d’une bonne volonté pour les décharger de leur lourd fardeau. Et pourtant ! Aujourd’hui encore, Haïti ne s’est toujours pas réveillée de son pire cauchemar. Les problèmes s’additionnent un peu plus.


Jovenel Moïse est aux commandes. 3 ans plus tard, il croit toujours dans son plan d’action axé sur le mixage de l’eau, la terre et le soleil. Pour lui, ces éléments sont des sources indispensables qui peuvent apporter une amélioration dans les conditions de vie de la population qui végète dans la crasse. Certains se demandent si M. Moïse est déjà en campagne électorale en vue des prochaines joutes, puisqu’il continue de multiplier les promesses. « Jomo » veut berner les paysans dans ses amalgames. Après avoir tout pris, tout dilapidé, tout détruit, les PHTKistes veulent donner le reste au peuple…

« Haïti pris en otage par des « bandits légaux » »

Le phénomène du banditisme n’est pas nouveau en Haïti. Avec le président Jean Bertrand Aristide, cela avait pris une autre ampleur en 2004. Qui n’a pas connu : Evens, TiBlanc, Grennsonnen, Ti kouto, Une balle à la tête, Labanyè, Dread Wilmé. Ils étaient les seuls maîtres et seigneurs dans les quartiers dits défavorisés. Ils décidaient même de l’espérance de vie des Haïtiens. Peut-on revivre dans le passé? 2004, refait-il surface?
Les chiffres, les évènements, les turbulences, les bouleversements dépeignent un tableau sombre de la sécurité en Haïti. Les hommes armés ont toujours le même pouvoir, la même puissance. Arnel Joseph, Ti Lapli etc. des noms qui font peur.

Des révélations choquantes faisant croire que les gangs sont sous la coupe réglée du pouvoir en place. Des politiciens déplorent la passivité de l’Etat face aux bandits.
Et certains font référence au licenciement du ministre de la justice et de la sécurité publique, Me Lucmane Delille. Selon plus d’un, sa révocation est la preuve que le gouvernement contrôle tout. Ce dernier se disait prêt à contrecarrer et à faire échec à la parade des hommes armés dans les rues de Port-au-Prince dirigés par la coalition des gangs baptisés G9 et alliés, contrôlée par le pouvoir en place.
De son côté, l’ancien responsable aux affaires juridiques de la présidence, Me Reynold Georges, a révélé des informations fracassantes. Ce dernier a vendu la mèche en déclarant que le palais national commandite le G9 et évoque la révocation de Lucmane Delille pour satisfaire les caprices de Jimmy Cherizier dit Barbecue.
Ils accomplissent toujours les mêmes missions : faire couler des larmes, semer la terreur… La distribution des armes se fait partout dans le pays, à la vue de tout le monde. Les caïds terrorisent la population et personne n’est pas à l’abri, même ceux qui ont la responsabilité de garantir la sécurité.

Le journaliste et blogueur Fanel Delva décrit dans son article titré :« Martissant comme le cimetière des morts ambulants »
« Aucune intervention des forces de l’ordre. Pères et mères de famille sont impuissants, face à cette terrifiante situation imposée par des bandits armés. Les égouts en ont assez de recevoir du sang. Le sol en a déjà abreuvé une goutte de trop. Qui pense à ceux qui vivent dans ce quartier ? Personne! Malgré ce qui s’y passe, on dansait, riait au champ de Mars. Le plaisir, c’est tout ce qui compte. Les autorités donnent le ton à l’insouciance. Elles nous disent chacun pour soi. L’espérance de vie d’un haïtien est renouvelable à 24 heures », écrit-il.

Une crise politique persistante

Le journaliste haïtien, Clarens Renois, dans son ouvrage intitulé « Sortir Haïti du chaos » évoque que le problème haïtien est profond et que toute recherche de solution doit se faire dans une démarche consensuelle. Depuis plus de 30 ans, le pays n’a jamais connu une stabilité durable. Au cours de ces dernières décennies, Haïti a connu une quinzaine de présidents, plus d’une vingtaine de premiers ministres. Dans une situation démocratique régulière, le pays devrait compter 6 présidents. Ces présidents qui se sont succédé ont fait face à toutes sortes de difficultés ; coup d’Etat militaires, élections contestées, transitions politiques.

En 2020, les mêmes problèmes refont surface, la stabilité est loin d’être réelle. Le pays est divisé, les familles déchirées, la société est en ébullition, l’économie effondrée, la pauvreté est à son comble. Les Haïtiens fuient le pays à la recherche d’une meilleure vie ailleurs. Des cadres de l’université, des intellectuels bien formés se dirigent vers la France, les États-Unis et le Canada. Paradoxalement, nombreux sont ceux qui ont plus envie de laisser le pays que d’y rester. L’espoir meurt lentement et doucement.

Billy Gervé

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