La bataille de Vertières trahie : 221 Ans après, une révolte morale s’impose
Le 18 novembre 1803, sur les plaines de Vertières, un acte sans précédent s’est joué. Des hommes et des femmes, portés par une soif inextinguible de liberté, ont affronté et vaincu l’armée de Napoléon, symbole de l’oppression coloniale et de l’esclavage. Ce triomphe a non seulement créé une nation , Haïti, mais a bouleversé l’ordre mondial, marquant l’histoire d’un éclat indélébile.
Le 1er janvier 1804, Haïti devient la première République noire indépendante, arrachant l’humanité à la déshumanisation de l’esclavage. Cet exploit a résonné bien au-delà de nos frontières, insufflant espoir et courage aux peuples opprimés du monde entier. Haïti, en défiant les puissants empires, a forcé l’occident à réévaluer ses modèles économiques fondés sur l’exploitation humaine.
Cependant, plus de deux siècles après ce grand jour, qu’avons-nous fait de cet héritage ? Haïti, autrefois modèle d’émancipation, est aujourd’hui synonyme de chaos et de désespoir. Nos ancêtres ont conquis la liberté par le sang et la sueur, mais leurs descendants vivent dans des conditions qui trahissent leur sacrifice.
Depuis l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines en 1806, père fondateur et visionnaire, le pays a été pris en otage par des élites politiques cupides et déconnectées des réalités du peuple. Chaque période de notre histoire politique récente a été marquée par la trahison de nos idéaux fondateurs. Des dictatures brutales aux gouvernements prétendument démocratiques, la mauvaise gouvernance, le népotisme et la corruption ont enfoncé Haïti dans un abîme de souffrance.
Aujourd’hui, la population est livrée à elle-même. Gangs armés, kidnappings, insécurité alimentaire, manque d’accès à l’éducation et à la santé : telle est la réalité quotidienne de millions de citoyens. L’État, censé être le garant de la sécurité et du bien-être, est devenu un spectateur impuissant, quand il n’est pas lui-même complice. Pire encore, nos dirigeants, incapables de concevoir un projet national ambitieux, se contentent de mendier l’aide internationale tout en consolidant leurs privilèges personnels.
Ce n’est pas seulement l’ingérence étrangère qui pèse sur Haïti, mais également la faillite morale de ses élites. Depuis trop longtemps, nos gouvernants exploitent la pauvreté du peuple pour maintenir un système de domination. Ils ont détourné l’indépendance en une nouvelle forme d’asservissement : celle de la misère et de l’ignorance.
En ce 18 novembre 2024, il ne suffit plus de commémorer Vertières. Il faut s’en inspirer pour mener une nouvelle révolution, non pas une révolution armée, mais une révolte morale et sociale. Ce n’est pas d’un changement de visages au pouvoir dont Haïti a besoin, mais d’un renversement total des valeurs.
Le peuple haïtien doit exiger des comptes. Les dirigeants d’hier et d’aujourd’hui doivent répondre de leurs actes. L’impunité qui gangrène notre système politique doit cesser. Les Haïtiens ne peuvent plus se contenter de survivre ; ils doivent exiger une vie digne.
Le peuple haïtien endure une violence systémique qui prend aujourd’hui la forme de gangs armés semant la terreur, d’une pauvreté écrasante, et d’un accès quasi inexistant à des services de base comme l’eau potable, l’éducation et la santé. Les richesses promises par l’indépendance semblent inaccessibles, et l’espoir d’un développement véritable demeure un mirage lointain.
Nous sommes les héritiers de Vertières. Et cette héritage nous impose un devoir: celui de refuser l’inacceptable, de briser non seulement les chaînes visibles, mais aussi celles, invisibles, de la résignation. Il est temps de répondre à l’appel de l’histoire et de redonner à Haïti sa place, non pas comme symbole de misère, mais comme modèle de résilience et de dignité retrouvée.