La protestation citoyenne collective, panacée contre le phénomène du kidnapping

La dégradation accélérée du pays se poursuit sans arrêt, aucun signe de redressement ne se profile à l’horizon. La machine infernale du kidnapping continue de faire des victimes au milieu des couches moyennes et défavorisées. Le secteur médical est à nouveau la cible des malfrats, qui impunément enlèvent des professionnels de la santé. D’autres secteurs sont aussi victimes ces dernières semaines de la prolifération des cas de kidnapping. Les bandits prennent de plus en plus de place dans l’imaginaire haïtien, ils élargissent leur territoire et recrutent de plus en plus de soldats pour commettre leurs forfaits. Face à cette pénible réalité, l’Etat se manifeste encore par son absence, sa complaisance et sa complicité avec les bandits. Face aux atrocités des kidnappeurs, ceux qui sont exposés au kidnapping continuent de vaquer à leurs activités journalières, sans aucune volonté de revendiquer leurs droits de vivre dans un environnement sécuritaire. La société dans sa structure est tellement émiettée, disséquée, non-intégrée, au point qu’aujourd’hui, aucun mouvement collectif pour une cause commune ne puisse avoir lieu. À notre décharge, chaque secteur proteste séparément contre un problème collectif qui, à la vérité, exige un front commun pour une solution durable.

Les problèmes dans toute société prennent naissance, se développent et éclatent une fois arrivés à leur phase ultime. Le kidnapping, heureusement, n’est pas encore à ce stade. C’est-à-dire, qu’il ne touche pas tout le pays, ni tous les secteurs. Nous ne sommes pas tous exposés à ce fléau. Les hommes politiques et les hommes d’affaires les plus puissants du pays sont à l’abri du kidnapping. Les victimes ne sont pas de toutes les couleurs, elles ne sont pas de toutes les classes, ni de toutes les chapelles politiques. L’insécurité actuelle, qui a commencé d’abord dans les quartiers populaires par les massacres, forçant les gens à prendre la fuite, qui passe par une division territoriale des gangs, par un blocage de plusieurs axes routiers, enfin le kidnapping, est l’apanage de certains hommes d’affaires et politiques, mais aussi de l’international.

A bien comprendre l’industrie du kidnapping, son fonctionnement, son mode opératoire et les personnes ciblées, il est évident que la solution n’est pas pour demain. Il faut arrêter de voir seulement les méfaits du kidnapping, parce qu’il fait du bien à ses auteurs. Il est financé, puisque les bandits ne sont jamais à court de munitions, ils sont parfaitement bien équipés, il est entretenu et protégé par l’Etat qui n’a pris aucune mesure drastique pour y mettre fin, même s’il est responsable des vies et des biens. S’il y a une chose qui arrange les oligarques de ce pays, c’est quand la société haïtienne est confrontée au pire. Quand les prix explosent, le chômage augmente, quand la demande est supérieure à l’offre, ils ne s’en privent pas pour maximiser leur profit. « Le kidnapping ne représente toujours pas un problème pour la classe d’affaires de ce pays, qui certainement en tire profit. Si leurs intérêts étaient menacés, ils prendraient des dispositions pour y mettre fin », selon un observateur avisé qui s’exprimait dans l’anonymat.

Les protestations de rue auxquelles on assiste ces dernières semaines, réclament, libération de ‘’ti pyè, ti jak’’, elles ne s’inscrivent pas dans une lutte collective contre le kidnapping. Les protestations pour exiger la libération des kidnappés doivent se transformer en mouvement de protestation contre le kidnapping. Le kidnapping ne doit plus être l’affaire des personnes kidnappées ou des familles des victimes, ou des proches, il doit être l’affaire de chaque haïtien et haïtienne qui se sent menacé et exposé. Des mouvements isolés, par ci, par là n’aboutiront à rien. Ce qu’il faut, c’est une prise de conscience collective des masses, un mouvement dense pour forcer l’Etat à sortir de la dépendance internationale, de la tutelle de la classe dominante, des griffes des hommes politiques véreux pour enfin répondre à ses obligations régaliennes.

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