Le Kidnapping en Haïti, un phénomène hautement politique et économique

Le Kidnapping tend à devenir normal. Le taux très élevé et la fréquence à laquelle les gens sont kidnappés depuis un certain temps en Haïti, font de ce phénomène, un crime normal. On ne s’étonne plus, au contraire, on attend gentiment les nouvelles pour savoir les noms des nouvelles victimes. Si l’une ou plusieurs des personnes kidnappées sont des noms connus de la place, on se montre solidaire sur les réseaux sociaux, pour le reste, on s’y fait. Paradoxalement, ce sont les plus vulnérables, et ceux qui sont passées par les mailles du système qui sont les principales victimes. Le constat de la complicité de l’Etat avec ces malfrats est évident, mais notre capacité à accepter l’inacceptable et à nous en accommoder facilement donne le champ libre aux bandits.

En se référant à l’approche d’Emile Durkheim sur la différence entre le normal et le pathologique, il est clair qu’aujourd’hui, que le kidnapping est passé d’un phénomène pathologique, a un phénomène normal. Au même titre que des morts par balles en Haïti, le kidnapping fait partie du quotidien haïtien et tend désormais à devenir le crime avec le taux le plus élevé de victimes. À force que les gangs gagnent du terrain et agissent en toute impunité, les gens sont de plus en plus exposés. Les rançons contre libération sont tellement exorbitantes que le kidnapping est sans nul doute aujourd’hui en Haïti, le moyen le plus rentable pour les chefs de gangs. Des millions de dollars sont en circulation dans ce qu’on pourrait appeler « l’industrie du kidnapping en Haïti ».

Toutes les analyses, considérations et observations faites autour du kidnapping aboutissent à la conclusion que les bandits qui opèrent sur le terrain n’agissent pas seuls. Ils bénéficient de la complicité et de l’irresponsabilité de l’Etat qui laissent les ports du pays à la merci des hommes d’affaires puissants qui font entrer des armes illégales sur le territoire en toute quiétude. Les bandits sont approvisionnés en armes et en munitions pour accomplir leurs forfaits. Les enjeux entourant le kidnapping et la prolifération des gangs dans le pays participent à une bataille féroce pour le contrôle du pouvoir économique et politique du pays. En d’autres termes, les bénéficiaires du kidnapping sont des classes économiques et politiques.

Contrairement à nous (peuple), qui nous intéressons uniquement à répondre à nos besoins les plus élémentaires et à se forger une place dans le milieu social ou/et politique, qui sommes, pour certains animés par une volonté saine de servir notre pays, la communauté internationale scrute à la loupe les réalités politiques sociales et économiques du pays pour déterminer l’orientation de la politique à adopter et surtout de mettre dans nos pattes les dirigeants qu’ils jugent aptes à accomplir leurs basses besognes. Il en est de même pour la classe économique rentière, les véritables détenteurs des richesses du pays. Ces derniers s’alignent sur la politique de la communauté internationale dominée par la mondialisation et le libre échange pour faire de nous une société de consommation.

Donc, le kidnapping n’est pas le fruit du hasard. Ce n’est pas un phénomène spontané. Il participe à la déchéance de la société haïtienne. L’insécurité sous toutes ses formes, est provoquée á des fins spécifiques, tout comme l’instabilité politique. En d’autres termes, l’atomisation de la société haïtienne depuis quelques temps, la légalisation du banditisme d’Etat, la suprématie des gangs, la destruction des institutions et le vide institutionnel dans lequel le pays est plongé ces dernières années ont été planifiés pour anéantir l’homme haïtien et aboutir à la destruction de tous les symbolismes du pays. La peur qui s’installe aujourd’hui dans le pays donne carte blanche aux hommes politiques et aux gangs. D’un côté, il y a un pays qui n’existe plus institutionnellement et de l’autre, il y a les gangs qui s’installent confortablement et qui sèment le deuil. Au milieu de tout ça, il y a le peuple qui se trouve dans un profond sommeil, qui n’arrive pas à se réveiller.

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