« Les sanctions internationales marquent la fin de l’ère Martelly et consorts », selon Frédéric Boisrond

Le sociologue Frédéric Boisrond analyse les sanctions américaines et canadiennes visant un ancien Président de la République, des anciens parlementaires et d’autres hauts officiels de l’État sous le prisme d’une rupture totale avec une classe politique ripouille. Selon lui, la justice haïtienne se retrouve au tournant des procès historiques.

Le fait marquant et saisissant dans le régime des sanctions adoptées par l’international contre des acteurs politiques haïtiens réside dans l’impossible mission conférée à la justice haïtienne à faire bouger les lignes. Frédéric Boisrond, qui intervenait sur les ondes de Radio Kiskeya, identifie des choix politiques imposés qui peuvent mettre à mal l’exercice de fixer les responsabilités dans la débâcle d’Haïti. Son argumentaire se justifie par la généalogie de désignation de Jovenel Moïse par Martelly et d’Ariel Henry par Jovenel Moïse dans le but d’assurer leurs arrières pour ne pas s’attirer des ennuis.

Les considérations de Frédéric Boisrond sur les sanctions canadiennes appliquées contre l’ancien Chef d’État Joseph Michel Martelly renvoient à une mésure « décorative ». De l’avis du sociologue, plusieurs thèses sont évoquées parmi lesquelles la mobilisation citoyenne en mars 2019 au Canada pour protester contre la prestation musicale dans les salles de spectacle d’un personnage au profil grivois, misogyne, haineux qui fait l’apologie du viol.

L’artiste « Sweet Micky », rappelle le sociologue, a été déclaré « persona non gratta ». Pour les autres sanctionnés par l’administration canadienne, incluant un actuel président et un ancien président du Sénat, un ancien président de la Chambre des Députés, deux anciens premiers ministres et autres, Fréderic Boisrond souligne le caractère fort et symbolique de ces décisions. Pour lui, il est question de la plus haute sphère de la classe politique qui est mise en cause dans la tragédie haïtienne.

Le trait dominant des sanctions réside dans le fait que les personnalités visées ont toutes un lien ou encore fonctionnent dans le giron du Parti haïtien Tèt kale (PHTK). En témoigne la réaction désespérée et paniquée de l’ancien premier ministre, Laurent Lamothe qui, selon Frédéric Boisrond, prouve que le Canada arrive à mettre dos à dos des anciens collaborateurs et membres du PHTK. Certains vont, peut-être dans un futur proche, s’avilir et se partager les fautes sur la place publique.

Sans ménager, le sociologue prévoit que la liste des sanctionnés sera allongée et que celle-ci marque l’arrêt de mort de l’avenir politique des figures concernées. Et il sera inconcevable de considérer un élu du peuple, au cas où la justice haïtienne garderait le silence sur ce dossier, interdit de fouler le sol américain ou canadien dans le cadre des rencontres internationales de haut niveau.

Rien ne peut augurer un horizon optimiste sans la mobilisation de la justice haïtienne. Il faut voir le verre à moitié vide et à moitié plein, commente Frédéric Boisrond. Les autorités canadiennes s’adressent-elles aux gangs, à l’élite économique, aux politiques ? À cette question, la réponse parait sans équivoque. Le Canada vise la classe politique, le cerveau des gangs, le citoyen canadien également.

Cette thèse s’appuie sur une logique rationnelle exigeant des dispositions pour destabiliser le circuit qui alimente les gangs en armes et en munitions afin de résoudre une part du problème. Les sanctions prennent également en compte le flux migratoire haïtien. Il est d’une tendance dominante et prononcée que tous les pays de la région sont fatigués par la vague haïtienne qui se déferle au quotidien sur les côtes floridiennes et qui risque les frontières des pays de l’Amérique centrale.

La lecture du sociologue, dans une perspective globale, s’aligne sur un registre qui voit Haïti comme un pays fabricant, producteur et exportateur de demandeurs d’asile et de refugiés. L’exode sauvage haïtienne impacte fortement l’ensemble des pays de la zone, déplore-t-il.

D’où la nécessité d’assainir la classe politique haïtienne dans l’espoir de proposer un lendemain meilleur aux Haïtiens, tout en rappelant que la communauté haïtienne au Canada ne s’était pas impliquée dans le processus de sanctions.

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