Les Victimes de l’explosion du camion-citerne au Cap-Haitien, des « vaincus » de l’irresponsabilité de l’Etat

Il y aura toujours des catastrophes naturelles, comme les tremblements de terre, les cyclones, les tornades etc. Il y aura toujours des naufrages en mer, des crashs d’avions et d’hélicoptères, des accidents de la route etc. Nous sommes condamnés à subir les caprices de la nature tout au long de notre existence. Néanmoins, de la préhistoire à aujourd’hui, des efforts significatifs ont été enregistrés à travers le monde pour limiter considérablement les dégâts que peuvent causer les catastrophes et les accidents.

L’humanité n’est plus totalement tributaire des caprices de la nature. Elle a plus ou moins une certaine maîtrise de son environnement. Dans le cas d’Haïti, les Haïtiens ne sont pas à l’abri des intempéries, des cyclones, des tremblements de terre, des éboulements etc. Ils ne sont pas non plus préparés à faire face aux accidents de toutes sortes, parce que premièrement leur rapport à l’environnement est néfaste et deuxièmement parce qu’ils côtoient chaque jour le danger sans vouloir se protéger. Le drame survenu au Cap-Haïtien, loin d’être le fruit de l’accident suivi de l’explosion du camion-citerne, c’est le fruit du nouveau rapport développé entre la population et les produits pétroliers devenus depuis un certain temps, un moyen de subsistance pour les plus vulnérables.

Le drame survenu dans la nuit du 13 au 14 décembre au Cap-Haïtien doit avant toute chose être compris dans le fonctionnement même de la société haïtienne qui n’est pas organisée à la base. Globalement, dans tous les secteurs de la société, les dés sont pipés. « La politique du « Lese grennen » est la norme. Les constructions sont anarchiques, les normes urbanistiques ne sont pas respectées. C’est un pays précaire, fragile et vulnérable, incapable de faire face aux aléas de la nature et aux accidents.

Dans le cas des morts enregistrées suite à l’explosion du camion-citerne, ce n’est en aucun cas l’ignorance du danger que représente la gazoline pour l’homme, quand elle n’est pas protégée de façon adéquate ou utilisée de manière recommandée qui a tué les gens. C’est en réalité, la crise du carburant provoquée par l’Etat haïtien, qui a modifié les rapports des individus les plus vulnérables en quête de survie avec les produits pétroliers. La population a développé ces derniers mois, un rapport à la gazoline, qu’elle n’avait pas avant la crise. La rareté et l’indisponibilité des produits pétroliers dans les pompes, ont offert une possibilité lucrative sans mesure à la population. La gazoline est devenue une denrée très très rare à se procurer et à conserver pour se faire de l’argent aux bénéfices exorbitants. C’est l’Etat haïtien qui a changé radicalement les rapports des gens à la gazoline quand elle l’a rendue inaccessible. La demande a surpassé l’offre, et les gens déjà en quête permanente de débouché ont fait du carburant un produit de subsistance.

Les Haïtiens ne sont-ils pas conscients du danger de prendre la mer sur des embarcations de fortune ? Pourquoi continuent-ils de s’aventurer en mer au péril de leurs vies pour les Etats-Unis, les Bahamas etc. ? Nous connaissons tous les réponses. Cela veut dire que les gens n’en peuvent plus de l’indifférence de l’Etat par rapport à leur bien-être. Ils sont si désespérés qu’ils n’en n’ont rien à foutre de la mort. Ils se disent certainement, mieux vaut mourir en mer, se faire manger tout cru par des requins que de rester à vivre dans l’enfer d’Haïti. Les victimes beaucoup d’entre elles, n’ont pas vu le danger, ou ne se soucient même pas de ce qui pouvait leur arriver, ils voyaient une opportunité, une chance à saisir de l’accident du camion-citerne, transportant un produit qu’ils désirent pour se faire de l’argent. Instinctivement ils se sont précipités pour s’approvisionner, pour faire le plein, si vousle permettez.

Ici toutes les conditions sont réunies et créées pour mourir de n’importe quelle mort. Le degré de vulnérabilité des masses est d’une telle cruauté, que vivre n’a plus de sens, c’est comme mourir debout. C’est l’Etat qui au lieu d’acheter des camions-pompiers, des ambulances, achètent plutôt des voitures blindées qu’il prête aux chefs de gangs, c’est l’Etat qui au lieu de construire des hôpitaux, de bâtir des écoles, d’investir dans la formation supérieure, détourne l’argent des contribuables. L’Etat est responsable de la non-scolarisation, il est responsable de la perdition des élèves, il est responsable du chômage, de l’ignorance des gens, de la corruption, de l’insécurité, de la misère et de la vulnérabilité de la population haïtienne.

Arrêtons de vouloir faire la morale ou la leçon aux victimes, forçons d’abord l’Etat à assumer ses responsabilités, pour que les gens puissent sortir de la misère, pour qu’ils puissent se retrouver à l’abri des besoins les plus élémentaires. À ce moment, ils voudront se protéger et par ricochet protéger leurs vies.

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