Maya, Bél-Air, bas Delmas…, des quartiers terrorisés, des familles séquestrées et oubliées !

Depuis plusieurs semaines, les armes automatiques ne cessent de chanter dans les quartiers de Bél-Air, Maya, Rue Tirremasse, Delmas 2, 4 et 6. Des affrontements sanglants entre groupes armés s’intensifient et font des victimes dans toutes ces agglomérations. Le nombre de maisons incendiées continue d’augmenter. Jimmy Cherizier alias « Barbecue » est sur le banc des accusés. Les témoignages des familles, particulièrement celles du quartier « Maya », donnent froid dans le dos.

31 Août 2020. 5 heures de l’après-midi. Bél-Air est mouvementé. Des mères de familles, paniquées, courent dans tous les sens. Des enfants pieds nus, en pleurs, perdent le contrôle de leurs parents. Des habitants de la zone « Maya » prennent la fuite, face aux rafales d’armes automatiques. C’est le refrain presqu’au quotidien. La population danse au rythme des concerts de cartouches, dans un quartier terrorisé, voire assiégé par des gangs.

« Depuis le début des assauts du groupe « G-9 an fanmi » et alliés, je me suis refugiée dans la zone appelée « Teren Pè a ». Je dors à la belle étoile. Les habitants sont en fuite. Le quartier est presque désert », témoigne Rosemène*. Accompagnée de ses enfants, cette habitante de « Maya » vit actuellement loin de sa résidence, loin de son quartier, par peur d’être victime. « Kisa pèp Bèlè ak Maya genyen a Barbecue ? », se questionne une autre dame, qui avoisine la trentaine. Dans une entrevue accordée à la rédaction, cette mère de famille rapporte que Jimmy Cherizier, à la tête de sa troupe, a mis le feu dans plusieurs maisons et entreprises.

Les habitants de la ruelle Maya, ce quartier qui a vu grandir Barbecue, sont encore sous le choc et vivent un traumatisme psychologique sans précedent. « Misye toujou gen kay li la. Si nou te bandi, nou tap boule kay li. Nou pa janm reyaji menm jan avèl », confie Jacquelin, un ancien voisin de l’ex-agent de l’UDMO.

« Barbecue essaie par tous les moyens de prendre le contrôle du Bél-Air et des quartiers avoisinantes. Il est un envoyé du pouvoir », déclare Junior*. Pour ce père de famille qui habite la zone depuis plusieurs années, « Barbecue » est beaucoup plus puissant que le DG de la police. Les citoyens du Bél-Air, Maya, Candio entre autres, condamnent la passivité de la police qui, selon eux, fait peu de cas de ces quartiers. « Pou tout bagay sa yo ap pase, pou Lapolis pa janm parèt tèt li ! », s’étonne-t-il, soulignant que les autorités compétentes ont été déjà alertées sur les différentes actions de « Barbecue ».

Le 9 septembre dernier, la situation allait dégénérer, quand des hommes armés du quartier Bél-Air ont décidé de prendre leur revanche. Selon des informations recueillies sur place, les hommes armés de Barbecue qui ont bénéficié du renfort de plusieurs gangs alliés, ont riposté et repoussé les adversaires. Des agents de plusieurs unités de la police se sont mêlés de la partie, ce qui avait amplifié davantage les échanges de tirs. Des rafales d’armes lourdes retentissaient au bas Delmas et ses environs, bloquant ainsi la circulation dans la zone, et contraint automobilistes, motards et piétons à prendre d’autres voies.

« La police intervenait au moment de ce conflit armé, dans le but d’éviter le pire. Cette intervention avait également pour objectif de permettre aux familles de regagner leurs maisons », a expliqué le Porte-parole de la PNH. À en croire Michel-Ange Louis Jeune, il ne s’agissait pas d’une opération ciblée visant à arrêter un individu. Intervenant sur plusieurs stations de radio de la capitale, le commissaire divisionnaire confirme que plusieurs véhicules blindés de la police ont essuyé des tirs. En dépit du manque de moyens adéquats, Michel-Ange Louis Jeune renouvelle l’engagement de l’institution policière à mettre en déroute les gangs armés.

Accusé à plusieurs reprises par des habitants de Bél-Air, Maya entre autres, cité dans divers rapports d’organisations de droits, Jimmy Cherizier alias « Barbecue », malgré l’avis de recherche lancé contre lui, ne cesse de multiplier ses déclarations dans les médias en ligne. Quelques minutes après les échanges de tirs mercredi, l’ancien policier a accusé des hommes armés du Bél-Air qui, affirme-t-il, sont épaulés par des policiers. L’instigateur du groupe « G-9 an fanmi » et alliés rejette les allégations selon lesquelles il serait à la base de différentes attaques armées dans plusieurs quartiers populaires de Port-au-Prince. Jimmy Cherizier alias « Barbecue », pointe du doigt des membres de l’opposition ainsi que certains éléments du secteur privé haïtien qui, dit-il, essaie de diaboliser le G-9.

Les individus armés prennent du terrain, alors qu’au plus haut niveau de l’État, les annonces et les déclarations se multiplient, pour de piètres résultats. Entretemps, les groupes armés se renforcent de plus en plus, face à une police dépourvue de moyens.

Les cas d’assassinat par balles sont en nette augmentation, selon plusieurs rapports d’organisations de défense des droits humains. Dans la foulée, la découverte des cargaisons d’armes de guerre continue dans les différents ports du pays, à un moment où l’exécutif s’attèle, en dépit des critiques, à organiser les prochaines élections.

Luckson Saint-Vil / HIP

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