Opinion

« Ou gou » de Kadilak : une banalisation du corps féminin « bon à la consommation »

Dans un contexte culturel où l’art et la musique devraient contribuer à l’élévation de la pensée et à la promotion du respect des valeurs humaines, la sortie récente du titre “Ou gou” du chanteur haïtien Kadilak, en duo avec la chanteuse Bedjine, suscite des réactions mitigées. Si la chanson se démarque par une mélodie accrocheuse et une production de qualité, son message et la symbolique véhiculée dans le vidéoclip laissent perplexe, allant jusqu’à provoquer l’indignation. La chanson “Ou gou”, littéralement “Tu as bon goût”, présente la femme, en l’occurrence Bedjine, comme un plat sur une table, prêt à être dégusté. Kadilak, dans son rôle de “chef cuisinier”, n’hésite pas à souligner cette image, réduisant ainsi la femme à un simple objet de désir, un bien consommable. Ce tableau ne laisse aucun doute : le corps féminin est transformé en produit, offert à la convoitise, renforçant des stéréotypes de domination masculine et de déshumanisation.

Ce qui choque dans ce clip, c’est l’association claire entre la femme et la nourriture, une analogie qui, si elle n’est pas nouvelle dans la musique populaire, semble ici atteindre de nouveaux sommets de trivialité. La présentation de Bedjine comme une denrée rare, un mets à déguster, renforce une imagerie patriarcale où la valeur d’une femme est strictement définie par son utilité pour l’homme. L’usage d’ustensiles tels que des couteaux et des bols, comme symboles d’attente et de possession, accentue cette idée qu’elle est un bien à consommer. Le message véhiculé est non seulement simpliste, mais aussi dangereux dans une société où les luttes pour les droits des femmes sont encore loin d’être gagnées. En choisissant de traiter la femme comme un plat à partager, Kadilak banalise des siècles de lutte contre la réduction de la femme à un objet, compromettant ainsi les efforts constants pour établir l’égalité des sexes.

La question de la créativité artistique

Ce qui est particulièrement regrettable avec ce clip, c’est l’absence criante d’imagination. Dans une industrie musicale en quête de nouvelles formes d’expression et d’innovations, Kadilak semble opter pour la voie facile de la provocation en exploitant des clichés éculés. Une telle représentation du corps féminin en 2024 soulève des questions sur l’engagement des artistes vis-à-vis des enjeux sociaux et culturels. Alors que l’art devrait refléter l’évolution des mentalités, ce titre semble témoigner d’une régression inquiétante.

Une standardisation de la vulgarité

Au-delà de la problématique de la représentation du corps féminin, “Ou gou” participe également à la standardisation de la vulgarité dans l’industrie musicale. En réduisant la relation homme-femme à une dynamique de consommation, Kadilak et Bedjine participent à un discours qui dévalue les rapports humains. Ce qui était autrefois considéré comme choquant ou irrespectueux devient, sous couvert de divertissement, non seulement toléré, mais encouragé.

Quand l’art devient instrument de régression

En définitive, la sortie de “Ou gou” soulève des questions essentielles sur le rôle de la musique et de l’art dans notre société. Kadilak, en tant qu’artiste influent, a une responsabilité envers son public, et ce dernier mérite mieux que des clichés misogynes et des représentations réductrices du corps féminin. À une époque où les luttes pour les droits humains et l’égalité des sexes sont plus importantes que jamais, de telles œuvres ne devraient pas être acclamées, mais plutôt interrogées et critiquées. L’art devrait élever la société, non la tirer vers le bas.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page