PetroCaribe : la Cour des Comptes recommande la récupération des fonds dilapidés

La Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif a remis officiellement au Sénat de la République, ce lundi 17 août 2020, la dernière tranche du rapport d’audit spécifique de gestion des fonds PetroCaribe. La CSC/CA qui confirme une fois de plus des gabegies et des détournements de fonds, recommande notamment la responsabilisation des ordonnateurs ainsi que la récupération des sommes dilapidées.

Dans ce document de plus de 1000 pages soumis au Sénat de la République, la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif affirme avoir audité des projets financés à hauteur de 92,1 % du montant total des résolutions prises en Conseil des ministres. Ces résolutions selon la CSC/CA, touchent la période allant de septembre 2008 à septembre 2016. « Les 7.9% des montants de résolutions non auditées se rapportent aux décaissements non effectifs ainsi qu’aux affectations et désaffectations découlant des dites résolutions », souligne la Cour.

Les juges de la CSC/CA précisent que « les conclusions des travaux d’audit menés par la Cour et publiés dans les trois rapports, soit celui du 31 janvier 2019, celui du 31 mai 2019 et le présent rapport montrent que d’importantes défaillances ont été associées à la planification et la mise en œuvre des programmes et des projets de développement financés par le fonds PetroCaribe ».

Dans cette troisième tranche du rapport, la Cour affirme avoir clairement établi que des étapes clées liées à la saine gestion de projets d’investissement n’ont pas été suivies. « L’interrelation requise entre les paramètres clés, la nature et l’ampleur des travaux, l’estimation des coûts et l’échéancier pour le succès de la mise en œuvre des projets de développement comme ceux financés par le fonds PetroCaribe, est défaillante », dénonce-t-elle. Pour de nombreux projets examinés, la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif, relate « une mauvaise définition des besoins ». La CSC/CA fait état de l’utilisation d’estimations incomplètes, mais aussi, une analyse insuffisante des risques, d’un ajout de travaux jugés non indispensables. Ces travaux, selon la Cour, expliquent les dépassements observés des coûts réels des projets en relation avec ceux annoncés au départ.

En définitive, la Cour affirme avoir fait la démonstration que « des étapes clées liées à la saine gestion des projets immobiliers n’ont pas été suivies et ce faisant, les projets d’investissement et les contrats liés au fonds PetroCaribe n’ont pas été gérés en respectant les principes d’efficience et d’économie ». « De plus, aucune préoccupation sur les générations futures n’a été prise en compte dans la mise en œuvre de ces projets », regrettent les juges.

Face à cette réalité, la Cour recommande aux autorités compétentes d’engager des réformes structurantes, afin de s’attaquer aux causes des déviances constatées et ainsi changer les pratiques et la culture des institutions ayant permis que de telles défaillances se produisent. « Ces réformes approfondies, souligne la CSC/CA, porteraient notamment sur l’élaboration des projets de développement, leur gestion et notamment la passation des marchés publics », écrit-t-elle dans son dernier rapport.

Aussi, la Cour recommande aux autorités compétentes, de diligenter des enquêtes internes. « Ces enquêtes doivent permettre à l’État haïtien de déterminer la possibilité de recouvrer des sommes auprès des firmes et des administrateurs des fonds publics notamment, dans le cas des irrégularités ayant causé préjudice à la communauté », souligne la CSC/CA. Le tribunal administratif précise que ces irrégularités concernent notamment le favoritisme dans l’octroi des contrats, décaissements non justifiés, retenues de 2% à la source (impôt sur le revenu) sur les acomptes provisionnels, mais non versés à la DGI.

Pour avoir engagé l’État dans des transactions irrégulières dans le cadre de l’élaboration et/ou de la gestion des projets, la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif recommande aux autorités d’engager la responsabilité des Ordonnateurs qui se sont succédé à la tête des Institutions et qui sont impliqués dans la gestion du fonds PetroCaribe. « Renforcer les dispositifs de contrôle interne afin de s’assurer que certains serviteurs de l’État ne posent plus des actes qui portent atteinte aux lois et règlements en vigueur et qui sont préjudiciables à la communauté », la dernière recommandation de la Cour, comme pour prouver l’impact négatif que peut avoir la mauvaise gestion de ce fonds sur la société.

Selon la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif, ce rapport émane d’une résolution du 1er février 2018 de l’Assemblée sénatoriale qui demande à la CSC/CA d’effectuer un audit approfondi de la gestion du fonds PetroCaribe sur la période allant de septembre 2008 à septembre 2016, conformément aux dispositions légales relatives à sa mission.

Rappelons que dans le deuxième rapport de la Cour sur la gestion des fonds vénézuélien, les juges avaient déjà épinglé le président Jovenel Moïse. L’actuel locataire du Palais national, responsable de la firme Agritrans à l’époque, a été accusé d’avoir été au cœur d’un « stratagème de détournement de fonds ».

Luckson Saint -Vil / HIP

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