Pouvoir vs Opposition : le peuple haïtien prisonnier, perdant et victime

Au milieu de toutes ces incertitudes entourant la date du 7 février 2021, il y a les couches les plus vulnérables, les masses serviles, les démunis, les sans chaussures, ceux-là qui, depuis la formation de la société haïtienne, entretiennent une lutte permanente pour l’amélioration de leurs conditions matérielles d’existence. Ces citoyens haïtiens sont, de manière synchronique dans l’histoire de ce pays, confrontés au pire.

Aujourd’hui encore ils se retrouvent au cœur de cette troublante situation mettant aux antipodes le pouvoir en place, accroché à la durée du mandat présidentiel de 5 ans et l’opposition politique, défenseur de l’art. 134.2 de la constitution amendée qui prescrit que : « L’élection présidentielle a eu lieu le dernier dimanche d’octobre de la cinquième année du mandat présidentiel. Le Président élu entre fonction le 7 février suivant la date de son élection. Au cas où le scrutin ne peut avoir lieu avant le 7 février, le président élu entre en fonction immédiatement après la validation du scrutin et son mandat est censé avoir commencé le 7 février de l’année de l’élection ».

Au-delà de ce débat conflictuel, mettant dos à dos les élites intellectuelles de ce pays sur la fin du mandat de Jovenel Moïse, se trouvent prisonnières les masses. Toute l’histoire de ce pays est traversée par des luttes politiques féroces. Il y a toujours une velléité des gouvernants de se perpétuer au pouvoir et ceci á n’importe quel prix. D’un autre côté, il y a toujours eu des hommes conséquents, s’érigeant en défenseurs des valeurs républicaines essayant par tous les moyens de faire obstacle aux plans macabres des autorités. Et toujours au milieu de ces luttes se trouvent ceux qui sont souvent utilisés par les autorités pour tenter de garder cyniquement le pouvoir. Ces derniers subissent toujours de plein fouet les conséquences des luttes historiques des hommes politiques obsédés par le pouvoir.

Les régimes politiques ont changé, les hommes politiques aussi, mais le sort de la population reste le même depuis des lustres. Depuis 1986, les pouvoirs qui se sont succédé n’ont concrètement rien fait pour sortir les masses de la misère crasse. Toutes les promesses de changement ne sont jamais respectées. Au contraire, leur situation s’est détériorée d’année en année. Ces 20 dernières années devraient être un tournant pour ces millions d’hommes et de femmes qui croupissent dans la misère, sans espoir d’un lendemain meilleur. De Jean Bertrand Aristide en passant par René Garcia Préval, Michel Joseph Martelly, pour arriver à Jovenel Moïse, tous ces présidents élus sous l’égide de la constitution de 1987, n’ont répondu à aucun besoin réel de changement social des masses. Ces derniers à chaque fois sont pris au piège des deux camps. Celui du pouvoir et de l’opposition.

A quelques jours de la date fatidique du 7 février 2021 la population est prise au piège. Elle est piégée par un président, qui dans sa volonté d’être le seul chef du pays, a mis hors-jeu le parlement en constant sa caducité. Elle est piégée parce que Jovenel Moïse n’a pas fait du dialogue un moyen de sortie de crise, il a opté pour la répression, le chantage et la langue de bois. Elle est aussi piégée par le comportement jusqu’au-boutiste de l’opposition radicale, qui n’entend aucunement dialoguer avec ‘’Nèg bannann nan’’ qu’elle qualifie de fieffé menteur.

C’est une situation inédite à laquelle nous assistons aujourd’hui. Ce qui se dessine à l’approche du 7 février ne laisse augurer rien de bon. Les protagonistes sont diamétralement opposés. Personne n’est en mesure de tirer la sonnette d’alarme pour un ‘’ halte là’’. Peu importe ce qui se passera le 7 février 2021, les principales victimes seront encore les masses. Apparemment, le chemin menant vers un consensus n’est pas envisageable. Jovenel Moïse détient le monopole de la violence légitime, pas dans le sens Wébérien du terme, trop souvent mal interprété, mais dans le sens d’un homme vide de l’intérieur, incapable de se transcender pour les intérêts supérieurs de la nation et qui s’appuie sur les forces répressives pour rester au pouvoir. D’un autre côté, l’opposition est dans une dynamique de « Dechoukay » c’est-à dire, chasser Jovenel Moïse du pouvoir le 7 février 2021. Face à cette situation de pile ou face se retrouvent encore une fois les couches les plus vulnérables, toujours à la merci des hommes politiques.

Haiti Infos Pro

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