Quand Ariel Henry inaugure l’ère du « mépris cynique » en Haïti
Exaspérant, énervant, inadmissible ! Tels sont, entre autres, des qualificatifs qu’on pourrait utiliser pour décrire le comportement d’Ariel Henry,Premier ministre de facto. Alors que le pays sombre dans le chaos et la désolation, que les gangs sont devenus plus puissants et que les membres de la population sont aux abois, le locataire de la Primature n’a jamais prêté oreille aux nombreux cris de détresse des habitants de Martissant et de la Plaine du cul-de-sac, contraints de fuir leurs maisons pour échapper à l’assaut des gangs. Pourtant, le neurochirurgien s’est donné la peine, le samedi 7 mai 2022, d’envoyer ses sympathies au peuple cubain, frappé par une tragédie. Dans l’intervalle, silence complice sur la réalité d’Haïti est assourdissant et persistant.
« La nouvelle de la tragédie qui a endeuillé Cuba, l’île sœur, nous a plongés dans l’affliction. Ainsi, je joins ma voix à celle de la nation tout entière pour exprimer ma solidarité et ma compassion au peuple cubain, bouleversé par cette catastrophe », a écrit Ariel Henry sur Twitter.
L’idée, il faut le dire, ce n’est pas de critiquer le soutien moral apporté à Cuba. Au contraire, cela traduit le lien d’amitié qui existe entre les deux nations depuis déjà très longtemps. Par contre, face à la situation de crise généralisée dans laquelle s’enfoncent les Haïtiens: la cherté de la vie, la rareté du carburant, absence totale d’électricité et d’eau potable et ajouté à cela, les agissements des gangs armés dans tous les coins et recoins du pays, le silence du Premier Ministre écœure. Pour peu qu’il sympathise avec une nation étrangère, il est simple de comprendre qu’Haïti ne fait pas partie du plan de M. Henry. Et c’est ce qui, à l’évidence, explique son silence, son inaction, voire son mépris vis-à-vis d’Haïti depuis son avènement au pouvoir. La maison brûle, mais le chef du gouvernement regarde ailleurs, pourrait-on dire.
En outre, il faut souligner qu’il est triste de constater que, malgré cette situation délétère, une grande majorité d’Haïtiens vivent, vivotent comme si tout allait bien. À l’exemple d’une grenouille, ils cherchent à s’adapter et s’habituer à chaque problème au lieu d’en trouver une solution une fois pour toute. La hausse des prix du carburant ou la dépréciation de la gourde par rapport au dollar est un exemple criant. Les prix des produits augmentent, au lieu de forcer l’État à en trouver un dénouement à cette difficulté, ils diminuent leur accès à la nourriture. Pas d’électricité. Au lieu de forcer l’Ed’H à remplir ses missions, ils recourent à une génératrice ou un système solaire. Entretemps, le problème persiste et s’aggrave, rien ne peut plus fonctionner.
Par ailleurs, il faut dire que les réactions au message du chef de la Primature ont été des plus tranchantes. Carel Pedre, animateur de radio, n’a pas mâché ses mots pour souligner qu’il semblerait que M. Henry est un sadique. « Ou wè la a se nan betiz w ap pase moun e sanble ou pran plezi nan sa. Pa gen pyès la nasyon ki mete vwa avè w. Vwa nou okipe nan rele anmwey pou bandi, ensekirite, lavi chè ak dirijan ireskonsab tankou w », a-t-il écrit. Amélie Baron, Journaliste française en mission en Haïti, a, quant à elle, regretté: « Quand le PM haïtien exprime sa solidarité avec les familles des victimes de l’explosion à La Havane… alors qu’il n’a pas encore eu un mot pour les personnes tuées et violées par les gangs dans le nord de Port-au-Prince depuis le 24 avril… ».
Que faut-il de plus pour exiger les autorités de l’État à assumer leurs responsabilités et à tirer conséquence de leurs inconséquences? Combien de cadavres et de blessés faut-il encore compter? Peut-on rester les bras croisés, en constatant la descente aux enfers du pays, en attendant le prochain massacre?