Quand n’avons-nous pas été confinés ?

La Covid-19 et ses exigences ont modifié, voire chamboulé les sociétés dans leurs pratiques habituelles. Elle a mis à l’arrêt certaines de nos habitudes, et introduit dans nos vies de nouvelles manières de faire, de voir, de communiquer, de travailler, de s’amuser etc.

Les sociétés modernes (celles qui ont la maîtrise de leur environnement, conscientes de leur existence), en proie à cette pandémie mortelle, étaient les premières à prendre des mesures sanitaires et des gestes barrières (se laver les mains régulièrement avec du savon, distanciation sociale, port de masque etc.) pour contrer la Covid-19. Elles ont principalement pendant une bonne période adopté le “ Confinement “, mesure qui s’est révélée la plus efficace pour éviter la propagation du virus à grande échelle. De la fermeture de leurs frontières, à l’arrêt presque total de toutes les activités, ces sociétés se sont confinées pendant un temps considérable pour combattre la pandémie.

En Haïti, dès la détection des deux premiers cas de contamination au Coronavirus, le gouvernement dans une précipitation démesurée a mis à l’arrêt presque toutes les activités (fermeture des écoles, universités, factories, églises etc.) et a voulu adopter également le ‘’ Confinement’’, sans tenir compte de notre réalité sociopolitique précaire totalement à l’opposé des sociétés modernes, suffisamment autonomes et organisées pour l’adopter.

Le Confinement n’a pas fait recette en Haïti, parce que la société haïtienne vit en permanence dans un confinement qui l’empêche de progresser. Presque partout en Haïti les gens sont confinés. À la banque, les caissiers qui font tourner la baraque n’arrivent pas à vivre de leur travail, ils sont confinés derrière un comptoir à contrôler l’argent de la richesse de leur employeur, ils sont marginalisés; dans les medias, les journalistes, reporters ou présentateurs, sont confinés dans les conférences de presse, derrière les micros de radios sans pouvoir vivre de leur travail, ils sont livrés à eux-mêmes et sont sujets à toutes sortes de pratiques douteuses; les professeurs d’écoles, qui participent à la formation des cadres dans ce pays, croupissent dans la misère, ils sont privés de presque tout, ils sont confinés avec un bâton de craie sans pouvoir changer leurs conditions matérielles d’existences.

Le transport en commun, le logement, le travail, le divertissement, l’électricité l’eau tout est confiné. Le Confinement, cette mesure barrière, la plus importante contre la propagation de la Covid, s’est heurtée à la misère des masses qui luttent au quotidien pour assurer leur survie, elle s’est heurtée aux salaires misérables de nos instituteurs, nos enseignants, nos professeurs, nos travailleurs qui sont dépourvus et privés de presque tout.

Entre le confinement adopté par les sociétés développées et le processus de déconfinement qui s’en est suivi, les changements sont significatifs. Les enfants reprennent le chemin de l’école, les parcs sont rouverts, les restaurants reçoivent à nouveau les clients, le cinéma, le travail, les salles de théâtres, les salles de jeu, les stades tout recommence à fonctionner. En d’autres termes, la vie reprend ses droits, même si c’est de manière progressive.

En Haïti, Confinement et Deconfinement c’est du pareil au même. Aucune salle de spectacle, aucun parc de divertissement, pas d’accès au logement décent, le transport en commun est mortel, les professeurs sont mal payés, les écoles sont précaires, l’université est moribonde, le chômage est permanent, en d’autres termes l’Haïtien est prisonnier dans son propre pays sans s’en rendre compte. Il est aliéné.

La Covid-19 est l’occasion pour l’Haïtien de se rendre compte de son état léthargique qui le zombifie et le tue à petit feu. Elle est aussi l’occasion pour l’Haïtien de sortir de sa zone de confort (illusion totale) où il est confiné (blocage de son esprit, qui l’empêche de voir la réalité qui l’entoure) pour rêver d’une société tournée vers le progrès social, vers le changement social, et rompre du même coup avec les pratiques politiques délétères, principales responsables de nos malheurs de peuple.

Ricot Saintil / HIP

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