Qui est Jean D’Amérique, le premier haïtien lauréat du prix RFI théâtre ?

Le poète, dramaturge et romancier Jean D’Amérique vient de remporter, le dimanche 26 septembre 2021,  le prix Théâtre RFI pour sa pièce intitulée « Opéra Poussière ». Un texte qui retrace la vie de Sanite Bélair, héroïne haïtienne ayant vécu au temps de l’esclavage. Finaliste à deux reprises, Jean D’Amérique s’est dit heureux de recevoir enfin cette distinction. Son objectif principal est de toujours renouveler son travail, de pousser sa démarche de création plus loin.

Né à Côte-de-Fer, dans le sud-est d’Haïti, en 1994, Jean D’Amérique a grandi dans un petit village de cette commune dénommé Jackson. « Je vivais avec ma mère, mon père, ma sœur et mon frère qui sont plus grands que moi », a-t-il précisé dans une entrevue accordée à la rédaction. Le jeune auteur à succès se souvient de pas mal de beaux souvenirs de son enfance: « mes parents m’avaient appris beaucoup de choses très tôt : j’élevais des animaux, je cultivais la terre, et pour ce faire je devais aussi connaître le mouvement des saisons, les secrets de la lune et du soleil », s’est-il remémoré. Cependant son enfance n’est pas faite que de roses, à en croire ses déclarations. « Ma mère est morte quand j’avais 12 ans. Et mon père a tourné le dos depuis. Je crois que mon enfance s’est arrêtée là », a-t-il regretté.

Adulé dans le milieu littéraire et artistique, Jean D’Amérique revient sur ses débuts dans la littérature. « Installé dans un quartier précaire à Port-au-Prince en 2006, j’étais très vite plongé dans un monde étrange, chargé de violence. Mais c’était aussi au moment où le rap traversait son âge d’or dans le pays, avec notamment les groupes rivaux Rockfam et Barikad Crew. Je crois que j’étais fasciné par tout ça. J’ai commencé à écrire des textes, d’abord pour me projeter en eux. Ensuite, pour exprimer vraiment ce que je voyais autour de moi, ce que j’avais envie de dire », a confié l’auteur du roman Soleil à coudre. 

Jean D’Amérique a continué en avouant qu’il a été aussi aidé par certains de ses professeurs. « Plus tard, des professeurs de lettres m’ont aidé à ouvrir la porte des livres. Il y avait une petite bibliothèque à côté de mon lycée, j’y passais mon temps après l’école », a-t-il indiqué. « Dès mes premières lectures, j’ai découvert des auteurs comme Frankétienne (j’oublierai jamais son roman Mûr à crever), René Depestre, Jacques Stephen Alexis, Jacques Roumain, ensuite Césaire, Darwich, Camus, Romain Gary, etc. Des êtres de lumière qui m’ont tendu la main”, a-t-il déclaré.

Quand il s’agit des ses nombreux prix et la place qu’il occupe déjà dans le panthéon littéraire haïtien à 26 ans, Jean D’Amérique est très modeste. « Toujours très heureux que mon travail soit récompensé, mais ce n’est ni un objectif, ni une attente. Ce qui m’intéresse d’abord et par-dessus tout, c’est écrire », a-t-il laissé croire. Cependant, l’auteur du recueil de poèmes « Nul chemin dans la peau que saignante étreinte » estime que c’est super que de belles choses arrivent dans sa vie maintenant car, selon lui, demain est bien trop loin. « Je suis jeune, oui, mais disons que ce n’est rien d’exceptionnel. L’âge n’est pas une qualité », a-t-il rétorqué. 

Artiste à plein temps, Jean D’Amérique vit actuellement entre la France et la Belgique. Il s’est rappelé ses débuts à vivre uniquement de la littérature après avoir abandonné ses études de psychologie et de philosophie à l’Université d’Etat d’Haïti pour se consacrer aux belles lettres. « Ce n’est pas toujours évident de vivre de la littérature. Au début, j’ai beaucoup souffert par rapport à ça. Mais au final, je suis très content d’avoir suivi ma voie/voix. Aujourd’hui je gagne doublement ma vie par l’écriture, par la poésie : elle me fait exister et elle m’aide à répondre plus ou moins à mes besoins quotidiens. » a-t-il dit, l’air fier.

Dans ses ouvrages, Jean D’Amérique n’a jamais raté une occasion pour aborder la thématique de la violence. Toutefois, l’initiateur du festival de poésie Transe Poétique a dit ne jamais choisir sur quoi écrire. « Je ne choisis jamais de thème pour écrire, je n’ai pas choisi d’écrire sur la violence. L’acte d’écriture me vient par nécessité de dire, par l’urgence de cracher les blessures qui m’habitent. Quand on applique une lame dans la chair, on ne peut pas retenir le sang qui en émerge », a souligné l’auteur de Petite Fleur du Ghetto. « C’est cette image précise qui me vient à chaque fois que je parle de l’acte d’écrire. J’écris à partir de ce que je vis, à partir de ce que je vois. Mes textes ne sont pas des objets hors de moi, ce sont chacun les résultats d’une époque de ma vie sur cette terre tout simplement, avec ce qu’elle a parfois de beauté et souvent de violence », a enchaîné le Fils du soleil.

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