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Vertières : 221 ans après, Haïti se tourne vers la France pour renforcer son armée

Le dimanche 3 novembre 2024 a marqué le départ d’un premier groupe de soldats haïtiens vers la Martinique, dans le cadre d’une formation militaire spécialisée offerte par la France. Accompagné du Ministre de la Défense haïtien, Jean Marc Berthier Antoine, l’ambassadeur de France en Haïti, Antoine Michon, a salué cette initiative, affirmant qu’il s’agissait d’une « première étape » dans une collaboration stratégique entre les Forces armées françaises et les Forces armées d’Haïti (FAdH). Cette coopération vise officiellement à renforcer les capacités de défense et de sécurité du pays.

Cependant, ce geste qui se veut solidaire entre deux nations ne manque pas de réveiller une amertume historique chez de nombreux Haïtiens. Il y a plus de deux siècles, en novembre 1803, Haïti remportait une victoire magistrale sur la puissante armée napoléonienne lors de la bataille de Vertières, scellant ainsi le destin de la première république noire indépendante. Ce triomphe a inscrit Haïti dans l’Histoire universelle en tant que symbole de résistance et de courage, brisant les chaînes du colonialisme français et repoussant l’un des empires les plus puissants de l’époque.

Aujourd’hui, la perspective de voir des soldats haïtiens recevoir une formation militaire de la France pourrait être perçue par certains comme une remise en question de cet héritage glorieux. La même nation qui, autrefois, imposa l’esclavage et la colonisation aux ancêtres haïtiens revient à présent en position de mentor pour les Forces armées haïtiennes. La question se pose : est-ce là une évolution pragmatique ou bien un signe de l’incapacité des dirigeants haïtiens à développer une armée nationale autonome et forte ?

Les dirigeants haïtiens, sous prétexte de renforcement sécuritaire, semblent renouer avec une dépendance regrettable, laissant entrevoir un affaiblissement de la fierté nationale. La collaboration avec des forces étrangères, bien que légitime sur certains plans, paraît aujourd’hui comme un aveu de faiblesse d’une élite politique en quête de solutions faciles plutôt que de bâtir une souveraineté solide.

Le peuple haïtien mérite mieux que de voir son histoire bradée ainsi, soumis à une « coopération » qui semble miner son autonomie plutôt que de la renforcer. La bataille de Vertières, remportée avec un courage sans faille, n’a-t-elle pas enseigné aux dirigeants actuels l’importance de s’émanciper de toute influence étrangère ?

Dans ce contexte, il est essentiel que le gouvernement haïtien redéfinisse ses priorités. Le véritable renforcement des FAdH passe par un développement interne, soutenu par des ressources locales et un esprit de responsabilité nationale. Il est impératif que les décideurs prennent conscience de leur rôle historique et qu’ils œuvrent non pas pour la dépendance, mais pour l’indépendance véritable et durable de la défense nationale haïtienne.

Le choix de s’appuyer sur une ancienne puissance coloniale comme la France, même sous couvert de coopération, envoie un message fort, mais pas dans le sens espéré. Pour un peuple qui a combattu et triomphé dans les conditions les plus rudes, cette forme de dépendance ne fait qu’ajouter à la liste des sacrifices non nécessaires. Il est temps pour Haïti de renouer avec la dignité que ses ancêtres lui ont léguée, et de bâtir une armée qui lui ressemble, solide, indépendante, et tournée vers l’avenir.

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