La manœuvre diplomatique du gouvernement de facto d’Ariel Henry dans la conjoncture politique post 11 mars 2024, vue par Hancy PIERRE

Les Etats ont des marges grâce à la puissance qu’il appartient à la diplomatie d’exploiter et, plus encore de modérer «, dans la perspective de Machiavel. Dans le cadre de la diplomatie haïtienne, depuis quelques 10 ans et plus, les canaux de communication diplomatique sont déviés, délaissés voire ignorés. On a assisté au fait spectaculaire du non-alignement du parlement haïtien dans la résolution du 20 septembre 2011 du Sénat en faveur de la Palestine, secondée en revanche de l’abstention de la présidence d’alors à la question de l’existence d’un Etat Palestinien en date du 29 novembre 2012 à l’Assemblée des Nations Unies. Ce, pour l’admission au statut d’Etat observateur non-membre de l’Autorité Palestinienne aux Nations Unies. L’Etat haïtien s’est ressaisi le 27 septembre 2013 par un protocole d’accord établissant les relations diplomatiques entre Haïti et l’Autorité Palestiniennes, et cela rejoint le principe originel de respect de l’autodétermination des peuples partagé par la République d’Haïti. Ce dernier aspect relève aussi de la marge de manœuvre diplomatique que privilégie la culture pour Alain Plantey « qu’il n’y a pas de peuple sans histoire. Le fait culturel englobe et explique le fait étatique » (ibid, p 20). Ces éléments de contexte qui évoquent les relations Haïti et l’Autorité palestinienne en termes d’illustration sont loin d’exprimer notre intérêt immédiat sinon se centrer sur les tergiversations du gouvernement de facto haïtien dans ses relations diplomatiques avec la CARICOM.

La CARICOM a fait depuis quelques mois office de médiatrice dans la gestion de la crise politique haïtienne quand l’Etat haïtien est en butte à l’effondrement , par suite du vide institutionnel crée après l’assassinat du président Jovenel Moise le 7 juillet 2021.Le premier ministre alors désigné allait évoluer en marge de toutes dispositions constitutionnelles et se ramener à deux accords précaires successifs ( l’accord du 11 septembre 2021 et celui du 21 décembre 2022 au 7 février 2024).La CARICOM a eu un forcing diplomatique depuis que le premier ministre d’Antigua et Barbuda , son Excellence Gaston Brown ait suggéré la démission du premier ministre haïtien pour un dégel de la crise haïtienne. Il s’est survenu une nouvelle conjoncture lors de l’empêchement dudit premier ministre à regagner le territoire haïtien puis l’annonce de sa démission à l’installation d’un conseil présidentiel de 7 membres assisté de 2 observateurs devant assurer la gestion de la transition démocratique menant à de prochaines élections libres dans les meilleurs délais.

On a constaté un volte- face de secteurs associés au gouvernement de facto du Dr Ariel Henry dans le suivi qui consiste à la nomination du Conseil présidentiel arrêté en guise de l’adhésion des parties prenantes par suite des valses diplomatiques sous l’égide de la CARICOM. Par une correspondance en date du 31 mars 2024 à la CARICOM, il a été exprimé des réserves de ce secteur par rapport au contenu de l’agenda établi et administré à l’annonce de la démission du premier ministre Dr Ariel Henry à l’installation du Conseil présidentiel. Le processus de mise en place duquel Conseil présidentiel de transition s’est retardé au regard de questionnement de procédures et de protocole tel qu’évoqué dans des échanges de correspondance avec l’organisation médiatrice de la CARICOM. L’opinion publique voudrait marquer le pas comme un atout dans les relations internationales, la propagande, la diversion et des sophismes, peu importe. Le gouvernement en place se montre maitriser des leviers de pouvoir quand le protocole devrait encore tenir compte de la préséance de ce gouvernement de facto qui en profite pour exercer une marge de manœuvre diplomatique.

Ce dernier gouvernement a déjà réalisé plusieurs conseils de ministres, du 27 mars au 1er avril 2024, qui exigent, pour compléter les procédures, la communication de dossiers par des canaux adéquats établis par la CARICOM et non pas leur transmission directe au gouvernement en place proprement dit moyennant l’adoption d’un accord entre les parties liées à la formation du Conseil présidentiel. Des détours font état aussi de la formation d’une commission mixte de passation de pouvoir selon les vœux du gouvernement sortant. Ils ont fait référence à la nécessité d’impliquer des juristes pour statuer sur le caractère légal de la nouvelle structure de Conseil présidentiel n’ayant pas, à leur avis, de provisions constitutionnelles pour publier, dans toutes ses conformités le décret y afférent, dans le journal officiel Le Moniteur. Loin de qualifier les agissements des acteurs gouvernementaux et de leurs alliés de dilatoires, nous avons noté la marge de manœuvre que possède tout Etat en dépit des désavantages à un moment donné qui puissent être transformés en avantages et opportunités au regard de la stratégie d’acteur qui ont su définir des zones d’incertitude pour se projeter des capacités de garantir la paix sociale et politique dans un contexte apparenté au chaos. Il est un fait que le principal nœud gordien consiste à gérer une situation de chaos qu’on aurait reproché au gouvernement d’en être l’un des artisans. Déjà de sanctions sont administrées et arrêtées à l’encontre de leaders politiques, d’officiels parmi d’anciens ministres, premiers ministres, présidents, de leaders politiques et des hommes d’affaires accusés de financer le banditisme politique et la grande criminalité en Haïti.

Entretemps le nouvel ambassadeur des Etats Unis désigné par le Sénat américain son Excellence M. Dennis Hankins a anticipé dans son rôle d’ambassadeur avant de remettre ses lettres de créance au nouveau Conseil présidentiel prévu dans le cadre des négociations en cours. Aidé du secrétaire d’Etat américain Anthony Blinken qui initie une croisade pour persuader le gouvernement de facto à faire aboutir la mise en place du Conseil présidentiel en conversant au président de la Guyana aussi président de la CARICOM M. Irfaan Ali puis avec le ministre des Affaires étrangères son Excellence M.Geneus et le premier ministre de facto a.i, M.Boisvert. Le secrétaire d’Etat américain Anthony Blinking a lui-même essayé de dépasser les positions de régression des secteurs gouvernementaux pour prôner une prompte action de suivi à l’installation du Conseil présidentiel et travailler au déploiement de la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MMSS). La position du gouvernement de facto haïtien s’est rétractée mais celui-ci se voit capitaliser encore sur des principes de légalité, de protocole et la référence à la constitution. Ce qui sont des atouts pour renvoyer de manière timide et implicite au respect des principes de souveraineté de l’Etat et du droit à l’autodétermination des peuples. Ce qui serait inscrit comme des codes communicationnels partagés par la CARICOM appelée à faire montre dans la tradition anglosaxonne de la primatie du protocole et du respect des procédures.

Il s’agit, par la force des choses, d’une attitude d’opportunisme dans la position diplomatique de l’Etat haïtien par le truchement de pierre d’achoppement que représente la pratique de l’usure. Dans le cas d’un pourrissement de la situation, il se définit une marge à pouvoir manipuler des leviers traditionnels en vue de préserver des intérêts politiques immédiats et continuer à se maintenir au pouvoir. Cependant cette marge devrait être une démarche systématique pour asseoir le positionnement diplomatique d’Haïti au regard de principes immuables, de valeurs, des conventions, traités, protocole et objectifs stratégiques. Ce qui n’est pas évident dans le cours des actions gouvernementales dictées par des classes dominantes subalternisées aux intérêts supranationaux,

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