Graduation : l’incompétence et l’indifférence honorées par des étudiants de la FDSE

Le dimanche 13 août 2023, s’est tenue, à l’hôtel Karibe, la cérémonie de graduation de la promotion 2017-2022, issue de la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Port-au-Prince de l’Université d’Etat d’Haïti. Cette nouvelle promotion porte le nom de l’éminentissime avocat et professeur Gérard Gourgue.

Soigneusement vêtus dans leur toge, les étudiants et étudiantes des deux sections de la faculté, à savoir juridique et économique, accompagnés de parents, d’amis et de proches étaient tous présents pour ce grand événement que certains d’entre eux attendaient d’ailleurs avec une impatience grandissante. Sur le visage de certains récipiendaires la joie, la gaieté étaient palpables. C’était un grand jour pour eux. Ils ont enfin bouclé le cycle d’étude sur à peu près une période de six ans, au lieu de la durée normale de quatre ans.

Depuis la tenue de cette cérémonie de graduation, la FDSE de Port-au-Prince est sous le feu des projecteurs. À l’instar de l’insécurité qui bat son plein à Carrefour-Feuille, la FDSE est également le sujet qui est sur toutes les lèvres. Cela s’explique par le fait que les membres du comité central de cette faculté ont réalisé une plaque en l’honneur d’Ariel Henry, premier ministre de facto, très décrié par la population surtout pour son impéritie et l’insouciance dont il fait montre face à la situation exécrable, lamentable des citoyens.

« …Honneur et mérite décerné à M. Ariel Henry pour son apport à la réalisation de la cérémonie de graduation de la promotion Gérard Gourgue (2017-2022) », peut-on lire sur cette plaque attribuée au chef du gouvernement de facto.

Cet acte posé par les membres du comité organisateur a suscité la grogne chez certains étudiants et étudiantes. Cela a même failli gâcher la fête. Au moment où le maître de cérémonie a prononcé les mots « Honneur et mérite décerné à M. Ariel Henry », le tempo a vite changé. La salle était en ébullition. Des récipiendaires et même des parents ont protesté énergiquement.

« Le comité a agi à l’insu des gradués. Nous n’étions pas au courant qu’Ariel Henry avait contribué à la réalisation de la graduation, jusqu’à ce qu’une plaque a été fabriquée en son honneur. C’est une grande honte », a déclaré une étudiante graduée en sciences juridiques contactée par notre rédaction.

Si pour plusieurs étudiants cet acte est désagréable, pour certains autres cela n’est pas étonnant, arguant que la FDSE est une boîte qui fabrique des étudiants corrompus, vendus et qui sont prêts à tout faire pour des miettes.

« Depuis la mise en place du comité de la graduation, des étudiants étaient déjà à couteaux tirés. Sur le forum créé pour discuter sur les avancées de la cérémonie, les gradués n’avaient pas droit à la parole. Ils ne pouvaient rien publier », dénonce un étudiant sous couvert d’anonymat.

Cette attitude affichée par le comité a suscité le mécontentement de bon nombre d’étudiants. Certains avaient même décidé de ne pas prendre part à la cérémonie de collation de diplômes.

« En constatant la façon dont les choses se déroulaient avec un comité arbitraire qui ne voulait partager la moindre information aux étudiants, j’avais décidé de laisser tomber. Mais, mes parents ne voulaient pas me comprendre. Après tant de pressions familiales, j’ai dû céder en acceptant de participer à la cérémonie de graduation, malgré moi », témoigne une étudiante de la section économique.

Selon plus d’un, la faculté de droit et des sciences économiques de Port-au-Prince est une institution qui fonctionne depuis un bon bout de temps à l’image du pays. Ayant à sa tête un doyen « tout-puissant » dont la gestion laisse à désirer, à cette entité de l’UEH, tout est possible. D’ailleurs, récemment, envers et contre tous, un jeune professeur, ancien responsable de la section juridique, a été nommé vice-doyen de la faculté, alors qu’il s’agit d’un poste éminemment électif. Aucune réaction de la part du comité central de la faculté. La priorité de l’heure, c’était l’organisation de la cérémonie de collation de diplômes.

Il est important de souligner que, même si ces étudiants, notamment ceux de la section juridique, ont reçu leur parchemin, leur plaque d’honneur attestant qu’ils ont bouclé le cycle d’étude, ils n’ont pas suivi tous les cours du cursus, selon une source fiable. Là encore, le comité central n’a pipé mot. Tous les regards étaient rivés sur la graduation, car cela rapporte toujours gros, notamment pour les membres du comité.

À la faculté de droit et des sciences économiques de Port-au-Prince, il y a toujours de grands enjeux économiques à chaque cérémonie de graduation. Très souvent, l’appât du gain motive toutes les décisions des membres du comité d’organisation. Toujours selon une source fiable contactée par notre rédaction, la situation n’était pas trop différente avec la dernière promotion baptisée Monferrier Dorval. Mais cette année, le comité de graduation de la promotion Gérard Gourgue s’expose publiquement. Ces étudiants décident de vendre leur âme (au prix de 3 millions de gourdes) pour honorer un premier ministre qui passe maître dans l’art de l’indifférence face aux misères du peuple haïtien.

L’Université d’État d’Haïti a toujours été une force de résistance. On se rappelle la bataille menée par des entités de l’UEH en 2004 contre Jean Bertrand Aristide. Mais depuis un certain temps, l’Université, passive et amorphe, ne représente plus ce qu’elle fut. Est-ce l’une des conséquences de la grande misère qui s’est installée en Haïti ? En tout cas, des étudiants de la FDSE, futurs avocats, futurs juges entre autres, viennent de prouver que la loi de l’argent prime tout en Haïti.

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