Kidnapping : sachant qu’« à chacun son tour », des citoyens préparent à l’avance leur rançon

Les citoyens sont délaissés par les autorités qui sont censées les protéger contre des éléments dangereux de la société. Ils continuent d’être la proie des membres de gangs armés qui décident comme bon leur semble de leur vie. Ils les kidnappent, les violent, les tuent, et même les décapitent sans aucune forme de procès. Les malfrats sèment la pagaille comme ils l’entendent dans la Cité, sous l’œil complice des soi-disant autorités qui ne s’accrochent qu’aux privilèges découlant de leurs fonctions, laissant la population à la merci des groupes criminels opérant dans le pays.

Pris entre la cruauté, la hargne des hommes armés et l’indifférence des autorités étatiques du pays, des membres de la population haïtienne, du moins ceux qui ne peuvent pas quitter le pays ou encore ceux qui s’y accrochent pour une raison bien déterminée, se résolvent à des formules ubuesques. Certains vont jusqu’à économiser de l’argent dans la perspective de leur enlèvement ou d’une attaque armée nécessitant une hospitalisation rapide.

Nadège Jean-Baptiste (Nom d’emprunt) habite un quartier situé dans les hauteurs de Pétion-Ville. Considéré comme un quartier élitiste de par son positionnement géographique et la catégorie sociale qui y vit, Laboule se transforme, aujourd’hui, petit à petit en une véritable zone de non-droit. Des hommes lourdement armés affiliés aux gangs de Grand Ravine et Village de Dieu y règnent en maîtres et seigneurs, kidnappent qui ils veulent, quand ils veulent et où ils veulent sans aucune contrainte. Face à cette situation pour le moins insupportable, la jeune mère qui vit dans une ancienne maison qui lui a été léguée par son défunt mari assassiné par des hommes armés au centre-ville de Port-au-Prince en 2021, décide de ne pas déménager de peur que les hommes de la bande à Ti Makak n’investissent sa maison. Pour cela, Nadѐge met de côté mensuellement de l’argent provenant du bénéfice engrangé par sa petite entreprise pour répondre aux éventuelles exigences des membres de ce gang armé, au cas où elle serait kidnappée.

« Je n’ai pas le choix sinon que de m’adapter à cette réalité, car je n’ai pas d’autre endroit où aller. La situation est pareille dans presque tous les quartiers de la Capitale haïtienne », soutient la jeune entrepreneure de 36 ans.

« Je vis constamment dans la peur de cette éventualité, cette peur se renforce davantage ces derniers jours », déclare-elle.

Elle confie que d’autres personnes évoluant dans le même secteur que lui souscrivent à la même formule. « Etant donné que l’Etat se soustrait à ses obligations régaliennes vis-à-vis du peuple, les citoyens doivent inventer des formules de survie », justifie Nadѐge affirmant qu’elle quittera le pays pour fuir cette dure réalité dès que l’occasion se présentera.

Entre-temps, les actes d’enlèvements deviennent monnaie courante dans le pays, alors que les groupes qui les font sont identifiés ainsi que les zones de séquestration des victimes. La Police Nationale d’Haïti n’a, au contraire, daigné mener aucune opération d’envergure dans ces zones pour mettre un terme à cette situation, prétextant n’avoir pas de moyens adéquats.

Fort de ces considérations, certains observateurs estiment, à raison, que la recrudescence du phénomène du grand banditisme, caractérisé par son corollaire le kidnapping, fait l’affaire du gouvernement en place qui n’a qu’un seul et unique objectif : garder le pouvoir.

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