Le sens des Relations diplomatiques République du Kenya- République d’Haïti et le projet de déploiement de la MMSS, selon Hancy PIERRE

La politique extérieure est une stratégie cohérente et rationnelle ancrée aux principes immuables d’un Etat. Les nouvelles réalités politiques ne sauraient faire écarter les intérêts d’un Etat au regard de ses assomptions, idéaux et principes tout en négociant des opportunités, d’un point de vue pragmatique et dans le sens des intérêts nationaux. L’Etat Haïtien est sur la sellette internationale depuis le vote de la Résolution 2699 relative au déploiement en Haïti d’une Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MMSS) en date du 3 octobre 2023 par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Plus d’un évoque l’abandon par l’Etat haïtien des principes de non interventionnisme et celui de l’autodétermination des peuples mais d’autres voix justifient une demande légitime de solidarité de l’Etat haïtien comme membre fondateur des Nations Unies. Ce débat houleux ne tient pas lieu dans le présent article même quand nous soutenons le principe de souveraineté des peuples et nous fermons tout de suite cette parenthèse.

Il convient de comprendre le sens des relations diplomatiques entre la République du Kenya et la République d’Haïti qui soient spontanées, nées dans la conjoncture actuelle de demande de déploiement de la MMSS en Haïti au regard des conditions exigées par la Cour Suprême Kenyanne devant statuer sur la légalité et l’autorisation du déploiement de troupes de police Kenyannes. Si des discours politiques et un courant de la littérature haïtienne ont fait état de l’Afrique en termes de liens ethno culturels, cela ne s’est pas manifesté dans la diplomatie active.

Nous avons relevé toutefois des politiques de façade sous le régime des Duvalier en invitant le Roi Hailé Sélassié, puis le président Léopold Sédar Senghor en Haïti. Aussi dans la reconstruction du Congo, des intellectuels haïtiens ont migré vers un nouvel Etat pour donner un apport dans l’éducation à travers une mission des Nations Unies dans les années 1960.Il y a lieu de noter un rapprochement du Benin sous le gouvernement de René Garcia PREVAL.
La politique extérieure haïtienne ne s’est pas centrée sur l’Afrique comme priorité indépendamment des attentes des pays africains en ce sens et manifestées notamment après le passage du séisme du 12 janvier 2010 en Haïti. Le Sénégal était prêt à accueillir ses frères et sœurs haïtiens. L’Union africaine voulait accorder une représentation à Haïti quand cet Etat n’avait pas de position déterminante et proactive en la circonstance.

Nous avons assisté dans la tradition de la diplomatie haïtienne l’affirmation des principes d’autodétermination des peuples, la promotion de l’humanité et la lutte contre l’exploitation au sein des Nations Unies dans les prestations de l’Etat Haïtien en l’occurrence sa position de Vice-président alors de la Commission contre l’Apartheid, son vote contre l’embargo des Etats Unis à Cuba ainsi qu’en faveur de la Palestine. Ce jusqu’à la conjoncture de 2010 qui correspondait à un nouvel élan dans les relations extérieures de l’Etat haïtien. C’est l’effritement d’une tradition de politique extérieure quand l’Etat se retrouve à la remorque d’une diplomatie de tâtonnement d’autant plus que la professionnalisation du travail diplomatique est au rencart.

Les trébuchements dans la diplomatie haïtienne ne manquent pas, outre l’effritement du professionnalisme au profit du clientélisme politique, les référents de base sont écartés. En effet, le vote d’Haïti en faveur du français comme l’une des langues officielles au sein de la CARICOM dénote l’incohérence politique d’un Etat dont la majorité de la population parle créole tout en tenant compte aussi du créole comme étant la deuxième langue dans la CARICOM tout juste derrière l’anglais.

Le revirement dans la diplomatie a été constaté dans le vote contre le membership du Vénézuela au sein de l’Organisation des Etats Américains pour deux Etats qui ont su historiquement défini une perspective de confédération caribéenne autonome à la base du Panaméricanisme alors réorienté de ses idéaux originels.

Haïti, par le biais de son ambassadeur démissionnaire a soutenu l’option interventionniste dans la région, dans le cadre de la tentative de réactivation de l’OTAN américain que représente le Traité Interaméricain de Réciprocité (TIAR) en 2019.Ce qui a couté le départ de l’Uruguay comme l’un des signataires de ce traité. Le Costa Rica, Panama, le Pérou et Trinité et Tobago se sont abstenus. Les Bahamas se sont absentés. Trinité et Tobago et Uruguay continuent à assumer une position rectiligne et non interventionniste car c’était le cas lors d’une résolution du TIAR pour imposer des sanctions économiques contre le Vénézuela.

Comme un météorite, l’Etat haïtien se bousculait pour se rattraper dans une diplomatie d’ouverture à l’égard du Kenya, par opportunisme du moment. Entretemps, les pays de la Caraïbe formant majoritairement la CARICOM ont une politique extérieure cohérente vis à vis de l’Afrique. Cuba a aussi fait état d’un positionnement afro caribéen une priorité et un axe d’intervention diplomatique. Rappelons-nous l’accompagnement de la République Socialiste de Cuba à la libération de l’Angola pour ne citer que ce cas. La République d’Haïti, en dépit de son membership dans la CARICOM ne s’est pas adhérée à une politique extérieure d’ouverture à l’égard des Etats de l’Afrique. Il s’agit d’actions disparates pour certains spécialistes des relations internationales, ambiguës et opportunistes pour d’autres. Ainsi la visite de l’actuel premier Ministre haïtien au Kenya en guise de mission diplomatique s’inscrit dans une démarche d’exploration pour asseoir des relations bilatérales de façade au regard des impératifs de collaboration du Kenya comme leader de la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité(MMSS)

La CARICOM pourrait s’interposer pour un rapprochement d’Haïti de l’Afrique dans le cadre d’une diplomatie multinationale mais l’Etat haïtien se montre ambigu dans ses relations avec la CARICOM. Il s’agit de se mettre aux cotés des Etats Unis dans une diplomatie bienveillante pour se centrer à une relation bilatérale limitée qui soit le point fort des relations Etats Unis-Caraïbe.

Repères bibliographiques

PIERRE Hancy (2019)A propos du vote d’Haïti a l’OEA pour la reconnaissance du deuxieme mandat de Nicolas Maduro, 22 janvier 2019, Le Nouvelliste https://lenouvelliste.com/public/index.php/article/196947/a-propos-du-vote-de-loea-pour-la-reconnaissance-du-deuxieme-mandat-de-nicolas-Maduro (consulte en ligne le 27 fevrier 2024)

PIERRE Hancy (2022) “L’Amérique Latine et les Caraïbes dans la ligne de mire de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Texte manuscrit. Port-au-Prince, 13 mars 2022.

PIERRE Hancy (2023) “ interventionnisme et le déploiement de la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MMSS) en Haïti ?” in Le Nouvelliste du 27 octobre 2023.

MARINEZ Pablo (1987) El Caribe bajo las redes politicas Norteamericanas, Collecion Historia y Sociedad no 78, Editora Universitaria -UASD-, Santo Domingo

PIERRE CHARLES Gerard (1985) ,el pensamiento socio politico moderno en el caribe, Fundo de Cultura Economica, Mexico.

VORBE Charles (2015), “Mondialisation enoliberale, droit et sous developpement en Haïti”in les Cahiers du CEPODE, Edition du CEPODE, reedition, Port-au-Prince.

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