Victimes silencieuses de l’insécurité, des travailleuses du sexe parlent… 

Depuis tantôt deux ans, l’insécurité bat son plein en Haïti et connait une ascendance exponentielle dans la capitale haïtienne. Assassinat, kidnapping, vol, viol sont entre autres des risques énormes auxquels la population haïtienne est confronté au quotidien, paralysant ainsi la vie nocturne des plus libertins. Nombreux sont les night-clubs qui ferment leurs portes plus tôt que d’habitude en raison de l’insécurité, d’autres fonctionnent au ralenti. Dans la foulée, l’insécurité impacte d’autres secteurs d’activités nocturnes, notamment celui des travailleuses du sexe qui racontent leurs péripéties, leurs dénuements.

Le soleil vient de se coucher, 18h, nous sommes à la rue Lambert, Pétion Ville. Mariana, âgée de 29 ans, mère de deux enfants, vêtue d’une robe grise fume une cigarette, elle nous raconte comment elle vit ce moment indécis. « J’exerce ce métier depuis 2012. J’ai commencé à l’âge de 18 ans. Avant, je travaillais à un meilleur prix qu’aujourd’hui, et habituellement je rentre chez moi avec au moins 3500 gourdes chaque soir. Aujourd’hui nous travaillons 250 gourdes par moment, il est rare que je rentre chez moi avec 500 gourdes. L’insécurité nous met en difficulté, peu d’hommes fréquentent la zone actuellement et c’est défavorable pour nous les (BOUZEN), et dire que j’ai deux enfants à élever », ajoute-elle avec un visage crispé.  

 Natacha, elle, ajuste son collant pour mieux exhiber ses jambes. Elle se pose à quelques mètres de ses collègues de travail. Âgée de 30 ans, mère célibataire d’un garçon de 15 ans. Elle s’adonne à cette pratique depuis 7 ans en raison de la mort du père de son enfant, il y a de cela 8 ans.

 « Je ne fais aucun autre métier que celui-ci, travailleuse du sexe. Je suis dans cette situation à cause de cet enfant que j’ai mis au monde à l’âge de 15 ans, son père est décédé un an après sa naissance. Je ne savais pas à quel saint me vouer pour subvenir aux besoins de mon pauvre enfant. Je n’avais pas d’autres alternatives. Avant l’activité était plus rentable, surtout à l’occasion des fêtes de fin d’année. Depuis la montée vertigineuse de l’insécurité tout est censé au point mort dans ce business, mais moi je travaille extrêmement bien, sourit-elle. Je travaille en présentiel ou en ligne via télégramme, la négociation se fait en ligne en suite je vais pour la livraison. Cela me rapporte environ 2500 gourdes par livraison, j’ai aussi des clients où je passe des moments chez eux aux prix de 3000 gourdes », martèle Natacha. 

 7h 30 du soir, nous voilà à Delmas 45. Des gens jouent au jeu « Ti wobo », des maisonnettes fabriquées à l’aide des prélats servant d’espace pour recevoir les clients. Sous un ciel étoilé, Berline, âgée de 36 ans, mère de 3 garçons, vêtue d’une robe rouge debout devant sa maisonnette, venait tout juste de sortir d’une négociation échouée avec un motard, nous raconte son calvaire : « Plus rien ne va, c’est la galère totale comme vous pouvez le constater, outre l’insécurité qui nous tracasse, le plus grand fléau est l’inflation. Il y a de cela cinq ans à cette heure-ci, j’aurais fonctionné avec pas moins de 5 clients. Mais aujourd’hui, c’est extrêmement compliqué d’avoir au moins 5 clients pour une nuit. En effet, je suis obligée car je dois élever mes trois garçons dans la dignité », ajoute-elle, fermement.

 Avec le problème de l’électricité qui prévaut depuis pas mal de temps dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, l’ambiance au niveau de Delmas 41 plus précisément à « Nan frechè » est différente que d’habitude. 8h 15 du soir, les gens s’alignent sur des chaises, buvant de la bière, écoutant de la musique, les bruits retentissent, une fine pluie qui s’y invite ne dépare pas trop le décor, ne dérange pas non plus des jeunes filles qui se déhanchent. Un client arrive pour passer un moment avec Patricia âgée de 20 ans. 7 minutes plus tard, Patricia fixe son soutien et se remaquille, nous parle de sa mésaventure : « Ce monsieur est mon premier client, sans lui je ne sais pas comment ma nuit aurait terminé. Tout ceci pour vous dire que la situation n’est pas favorable pour nous en ce moment, je suis dans un extrême embarras »

9h du soir. Delmas 19. Un grand projecteur éclaire la rentrée, les motos stationnent, les DJs mettent de l’animation dans le night-club VERDANT, JanJan de même, les marchandes de fritures, ceux des boissons gazeuses et alcoolisées occupent les trottoirs. A proximité de Télé Pluriel où stationnent les filles de Joie, Malaika fume une cigarette. Vêtue d’une mini-jupe noir, corsage blanc, elle nous raconte ses galères : « L’insécurité nous tue, environ 9h du soir, pas même un client. Nous travaillons ainsi depuis tantôt 15 mois. Nous demandons à l’Etat de résoudre ce problème afin que nous puissions faire notre boulot normalement, sinon nous serons obligées d’effectuer des séances d’orgie pour les chefs de bande. »

Quoique leurs histoires soient distinctes l’une des autres, les prostituées s’associent pour le même combat : la survivance.

Ken-Rick Fernando JOSEPH

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